Bukavu : Les arrangements à l’amiable dans le cas de harcèlement sexuel en milieu professionnel, un comportement à bannir.

Posté par  Mama_Radio   à  ,      2 années ago     809 Views     Laisser vos impressions  

Plusieurs femmes dans la ville de Bukavu en province du Sud-Kivu sont victimes de harcèlement sexuel en milieu professionnel. Certains employeurs proposent à cet effet, un arrangement à l’amiable pour ne pas salir l’image de l’entreprise, pourtant les lois du pays punissent sévèrement les auteurs de ces actes et ces femmes souffrent intérieurement. Pour les défenseur(e)s des droits des femmes, les auteurs doivent être punis conformément à loi pour mettre fin à cette pratique et laisser les femmes travailler librement.

Mme Van (nom d’emprunt), chargée des programmes dans une entreprise du milieu, se livre à nous pour nous parler de son cas.

« Je suis chargée des programmes dans une entreprise de la place. Mon chef m’a demandé de concevoir un projet que je devais présenter devant les partenaires. Comme le projet me demandait de collaborer beaucoup plus avec lui, j’allais de temps à autre à son bureau. Un jour, il m’a proposé l’amour mais je lui ai dit que je ne pouvais pas. Je suis mariée et mère d’un enfant. Il a insisté mais j’ai refusé. Le soir, il commençait à m’écrire des messages pour me pousser à accepter sa proposition. Je montrais tout à mon mari. Le temps est passé mais le monsieur ne comprenait pas toujours », révèle-t-elle.

« Un jour, il fallait aller en mission aux Etats-Unis avec lui dans le cadre toujours de ce projet. Il fallait qu’on prenne l’avion à partir de Kigali au Rwanda. Au sortir de Bukavu à travers un bus de transport en commun, il m’a dit qu’on va passer la nuit à Kigali et que le vol c’est à minuit », explique-t-elle.

« Je devrais me reposer vu la fatigue du voyage avant que l’heure de vol n’arrive. Dans un hôtel de la place, j’ai pris une chambre sachant que lui aussi va faire la même chose. Je me suis endormie parce que nous sommes arrivés à Kigali vers 17 heures. Aux environs de 22 heures, j’ai entendu quelqu’un ouvrir la porte de ma chambre à clé à partir de l’extérieur. Je me suis réveillée pour voir qui s’était. J’ai été surprise de le voir dans la chambre. Il a fermé directement la porte et a commencé à me prendre dans les bras en disant des mots doux. J’étais frustrée. J’ai crié au secours et il voulait me retenir », poursuit-elle.

« J’ai crié fort et le réceptionniste est arrivé. Il était étonné de me voir crier car mon chef lui a confirmé que je suis sa femme », relate-t-elle.

La Van s’est demandé que faire à cet instant. Elle a commencé par fermer ses valises et était prête à rentrer à Bukavu à l’instant même.

« Mon chef m’a supplié et m’a dit que si je rentre le projet ne sera pas validé. Il s’est dit prêt à tout faire pour que je ne dise rien à personne. J’ai appelé mon mari et lui ai tout expliqué. Il m’a soutenu, m’a réconforté et m’a demandé de finir avec ma mission et qu’une solution sera trouvée à mon retour. Une fois à Bukavu, mon chef nous a invité mon mari et moi pour présenter ses excuses, au nom de la paix, nous avons accepté », se confie-t-elle.

Van continue de travailler dans son entreprise mais avec un traumatisme. Elle est très en colère mais ne sait pas quoi faire pour trouver réparation.

Le cas de Van n’est pas isolé dans la ville. D’autres femmes connaissent des traumatismes mais décident de rester silencieuses pourtant un comportement banni par la loi.

« Je suis Gloria (nom d’emprunt). J’ai 26 ans. Je travaille dans une agence de la place. J’ai été harcelée par mon collègue de service. Un jour dans la soirée parce que j’avais des rapports à envoyer, un collègue m’a trouvé dans mon bureau, il a fermé la porte et a commencé à me palper. Comme j’étais seule avec lui lorsque les autres étaient déjà rentrés à la maison, je n’avais personne pour m’aider. Je me suis battue avec lui et quand il a vu que je résistais il est reparti. Le lendemain j’ai décidé d’en parler à l’employeur qui m’a suggéré de garder le silence. Il a appelé mon collègue et l’ a obligé à présenter des excuses. Comme solution, il m’a recommandé dans une autre agence toujours dans la ville. Je vis avec des remords mais comme j’ai besoin de ce travail, je préfère me taire », explique-t-elle.   

Cet acte bloque plusieurs femmes à s’épanouir dans la vie professionnelle. Nombreuses préfèrent se taire pour protéger leur emploi et acceptent même des arrangements à l’amiable.

Pour Agnès Sadiki, femme leader et défenseure des droits des femmes, il y a encore du travail à faire car plusieurs personnes sont privées du savoir. Des sensibilisations doivent continuer pour que toutes les parties prenantes comprennent les formes des violences dont sont victimes les femmes.

Elle appelle les femmes victimes de harcèlement en milieu de travail à dénoncer ces actes malsains auprès des défenseurs des droits des femmes pour qu’elles les accompagnent dans la lutte car le grand travail sera fait par la victime elle-même.

« Les victimes de harcèlement sexuel doivent avoir le courage de dénoncer ces actes parce que les arrangements à l’amiable ne résolvent rien. Les hommes ne changeront pas ces mauvaises habitudes s’ils savent qu’à chaque fois qu’ils commettent cette erreur ils vont recourir aux arrangements, et cela perturbera toujours les femmes et sera un obstacle à leur égard », explique Agnès Sadiki.

Elle appelle les femmes défenseures des droits des femmes à travailler en synergie pour permettre à la justice de bien faire son travail.

« Nous avons des magistrats et des hommes de justice qui nous accompagnent. Si la femme victime se confie à nous, l’assurance est là, elle sera rétablit dans ses droits », garantit-elle.

EN RDC, les articles 2 et 4 de l’arrêté ministériel du 26 octobre 2005 interdisent le harcèlement sexuel ou moral dans l’exécution d’un contrat de travail. Il y aussi l’article 174 de la loi du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais stipule que, « la personne auteure de harcèlement sexuel est puni de servitude pénale de un à douze ans et d’une amende de cinquante mille à cent mille francs congolais constants ou d’une de ces peines seulement ».

Maître Zozo Sakali pense que ces articles seront d’application si seulement les femmes dénoncent et se confient aux instances judiciaires. Car selon lui, l’arrangement à l’amiable n’est pas une solution en ce qui concerne les violences sexuelles.

Jacqueline Ngengele, cheffe de division du genre, femme, famille et enfant en province du Sud-Kivu explique que dans le temps passé, les femmes décidaient de vivre avec cette souffrance et ne voulaient pas en parler. Mais comme elles ont décidé d’élever leur voix, elle compte s’impliquer d’une manière ou d’une autre pour les guider vers les instances habilitées.

« Des sensibilisations avec notre division continuent pour mettre fin aux violences dont sont victimes les femmes. Une fois qu’une femme dénonce, nous allons l’accompagner jusqu’à ce que l’auteur soit puni conformément à la loi ».

Joëlle BUFOLE, mamaradio.info, JDH.

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