Culture : Coup de projecteur sur « Ces vérités qui nous mentent », un livre de Laurent Kasindi (Interview)
« Est-ce qu’une seule personne peut faire la différence ? L’histoire du monde, montre que souvent c’est une personne ou un petit groupe des personnes qui ont changé le cours de l’histoire ».Laurent Kasindi, auteur de « Ces vérités qui nous mentent ».  De passage à Mama Radio en Décembre 2018, ce lauréat du prix MAKOMI édition 2018 est interviewé par la journaliste Douce Namwezi. Au cours de cet entretien de près d’une heure, Laurent Kasindi (LK) livre, interpelle les jeunes congolais, décrit sans ambages les maux qui rongent la société, surprend et dévoile son prochain livre, Cœurs brisés, vies brisées.
DNÂ : Douce Namwezi
LKÂ : Laurent Kasindi
DN : Bonjour Laurent Kasindi et merci de répondre à nos questions. Tout d’abord, pourquoi le titre « Ces vérités qui nous mentent » ?
LK : Ces vérités qui nous mentent est un livre qui fait de la réflexion sur certaines convictions, certaines croyances, certaines assertions qui sont très communes, qui sont très popularisées en RDC et qui sont très vraies, mais malheureusement qui n’ont pas pour conséquences d’entrainer les Congolais sur la bonne voie.  Certaines de ces vérités, c’est par exemple une vérité qu’on dit souvent à Kinshasa « Yo ndé oko bongisa mboka oyo » donc « est-ce toi seul qui peut changer ce pays ». Ça c’est vrai parce qu’on se dit qu’on est quatre vingt millions d’habitants. Est-ce qu’une seule personne qui veut le changement peut changer le pays lorsque tout le monde vole, pratique la corruption, pille la caisse de l’état ? Est-ce qu’une seule personne peut faire la différence ? la vérité c’est celle-là , cela nous ment un peu parce que si on regarde l’histoire du monde, c’est souvent une personne ou un petit groupe des personnes qui ont changé le cours de l’histoire.
DN : Pourquoi les mêmes personnes qui sont concernées par les récits que vous racontez se sentent en même temps intéressées à les lire ?
LK : C’est parce que j’ai écrit le livre comme congolais sans me mettre à l’écart. Je n’ai pas dit les autres congolais sont comme ceci, j’ai dit « Nous congolais nous sommes comme cela » parce que ce livre n’est pas une décision que j’ai prise un jour de prêcher tout le monde , c’est un jour que j’étais entrain moi-même de me culpabiliser, j’étais entrain de réfléchir sur moi-même en me disant est-ce que dans un sens ce n’est pas aussi de ma faute et les gens qui ont lu le livre ont eu le sentiment qu’ils se parlaient eux-mêmes, ce n’est pas vraiment le sentiment que Laurent me parle ! C’est le sentiment que je me parle à moi-même de la même façon que moi-même en écrivant je voulais me parler à moi-même pour me réveiller un peu.
DN : Parlons du prix MAKOMI, pensez-vous que le livre mérite d’être primé ?
LK : Ce prix est la plus belle grande surprise depuis ma naissance parce que c’est vraiment, la chose à laquelle je m’attendais le moins. Le parcours de ce livre, je le tracerais en trois étapes et chaque étape est vraiment un miracle.
La première étape, j’ai écrit le livre de Décembre 2012 jusqu’en novembre 2016, donc 4 ans. Une fois j’étais en voyage en Centre Afrique, j’ai rencontré un médecin de Bukavu, qui m’a présenté à une personne en lui disant « Lui, c’est Laurent, c’est quelqu’un de chez nous, c’est un écrivain ». En ce moment là , je n’avais pas encore sorti le livre, c’était un manuscrit dans mon ordinateur, cela m’a beaucoup frappé et rien que cette présentation m’a poussé à terminer ce livre.
Le deuxième miracle c’est d’être arrivé à éditer parce que c’est très difficile d’éditer un livre, il faut trouver un éditeur, on ne sait pas comment ça marche et moi j’étais nouveau, je ne savais pas comment ça marche aussi.
Le troisième miracle, ce que, quand le livre est sorti, j’avais pu tirer que 100 exemplaires et puis un groupe d’amis à Goma et à Bukavu essentiellement qui ont acheté m’ont dit « ce livre, il faut que tous les congolais le lisent ! Nous allons mettre notre argent pour que tu puisses tirer d’autres exemplaires. » Bref, pour beaucoup d’observateurs, ils disent que ce couronnement était mérité.
DN : Quels conseils vous donnerez à ces jeunes qui écrivent mais qui ne savent pas souvent à quelle porte toquer pour avoir un éditeur ou qui ne sont pas aussi surs que leur livre trouvera de l’intérêt au niveau de la communauté ?
LK : La première chose c’est que nous nous sous-estimons trop et nous pensons que lorsqu’on parle d’un auteur qui passe à la télévision ou qui passe à la radio, c’est forcement une personne extra ordinaire, une personne extraterrestre, J’ai le sentiment que beaucoup de belles réflexions littéraires sont enfuit dans des cahiers ici. Ce sont des réflexions qui peuvent vraiment constituer des essaies comme le mien. Il suffit seulement de structurer et de le mettre ensemble, donc je dis qu’il ne faut pas se sous-estimer.
Le deuxième message est qu’il ne faut pas avoir peur d’essayer, avoir peur de se lancer. Lorsqu’on se dit j’ai tendance à écrire régulièrement, j’ai déjà des amis qui ont lu ce que j’ai écrit et me disent que c’est assez bien. Il faut parfois se dire « je veux franchir cette étape et finalement publier ». Moi, la chose la plus simple que j’avais faite c’est de demander à tout le monde, aux gens qui ont déjà écrit un livre comment cela se fait. Ils vont vous donner beaucoup des formules, qui sont possibles et qui rendent cela possible.
Mon troisième conseil, ce qu’il ne faut pas se laisser convaincre par ces préjugés que si tu veux cacher quelque chose à un Africain, il faut le mettre dans un livre parce que tout le monde m’a dit que les africains ne lisent pas, les congolais ne lisent pas et après lorsque j’ai sorti mon livre, en une semaine, j’ai vendu 80 exemplaires sur les 100 que j’avais tiré et je les ai vendus ici en RDC, Kinshasa, Goma et Bukavu. Donc je pense comme disait mon éditeur, les africains lisent si on leur écrit quelque chose qui les intéresse !
La dernière chose concerne le prix MAKOMI. Ce qu’il faut aussi quand on a écrit une fois, ne pas avoir peur de proposer son livre à un prix littéraire. Encore une fois, c’est d’avoir le courage d’oser, ne pas dire « on parle du prix, je ne sais pas de quel prix, c’est forcement pour les grands auteurs dans le monde» Non ! Il faut envoyer parce que vous pourriez être surpris comme je l’ai été. On écrit parce qu’on a lu et on ne peut pas écrire si on n’a pas lu. Le conseil de plusieurs auteurs :« Si vous voulez écrire, lisez. »
DN : Voilà Laurent, quittons un peu le livre -tout en y restant- pour parler de ce contexte électoral étant donné que cette interview est réalisée à la veille des élections. Que raconteriez-vous dans votre livre si vous devriez, un chapitre adressé aux congolais et congolaises ?
LK : J’ai dit dans le livre que chaque peuple a des dirigeants qu’il produit, pas des dirigeants qu’il mérite parce que je suis très convaincu que si nous n’arrivons pas à trouver des dirigeants qui changent notre pays, c’est parce que nos familles, nos écoles et nos églises ne produisent pas ces dirigeants-là . J’aime dire assez régulièrement que nous pouvons perdre les batailles du présent, mais il ne faut par perdre les batailles du futur. Nous pouvons aujourd’hui nous sentir très embarrassés de dire, « est-ce qu’on est en train de choisir entre le moins bon et le pire » et ne pas se donner la chance dans l’avenir si on a des élections dans 5 ans ou dans 10 ans qu’on soit vraiment entrain de choisir entre le rêve et le moins bon. Dans le contexte électoral, je tiens à mentionner aux électeurs qu’en tout état de causes, nous sommes d’abord responsables en tant qu’électeurs. Les candidats exceptionnels que nous voulons, ce sont des personnes qui doivent changer notre pays. Deuxième message, ce que j’aimerai vraiment que nous puissions nous souvenir que nous n’avons que ce pays et nous n’avons pas d’autre, nous devons avoir la discipline démocratique d’accepter la divergence d’opinions ; J’aimerai qu’à l’issue des élections nous puissions respecter la divergence d’opinions parce que dans ma définition personnelle, la démocratie est une cohabitation justement harmonieuse d’opinions divergentes.
DN : Laurent, pour finir, est-ce que vous pouvez nous dire c’est quoi votre prochain livre ?
LK : Avant de recevoir le prix du meilleur livre de l’année 2018, j’ai travaillé sur d’autres projets, mais après, ce prix m’a changé un peu. Mon prochain livre qui devrait sortir dans les 4 mois ça sera « Cœurs brisés » parce que mes anciens auditeurs me l’on demandé. Le titre que j’ai choisi c’est « Cœurs brisés, vies brisées ». Je ne parlerai pas que des histoires d’amour comme on pense, mais je parlerai vraiment des personnes qui, par accident d’histoire ou par contrainte, -il y en a beaucoup- ont vu leur vie brisée. Je raconterai l’histoire de leur courage.
A long terme, je travaille sur « Ces vérités qui nous mentent 2 » où je vais corriger un peu le sentiment qu’on a lorsqu’on finit de lire mon premier livre. On se dit finalement tout va mal, on est si mauvais que ça, donc je vais raconter l’histoire des congolais que je connais, des gens de tous les jours, des femmes que j’ai vues en vendant les bananes et élever leurs enfants.
DN : Merci beaucoup Laurent Kasindi pour cette exclusivité nous accordée !
LK : Merci beaucoup Mama Radio, merci Douce !
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