Goma : Procès sur le carnage des adeptes d’un groupe religieux, des déclarations aléatoires du maire de la ville ombragent la cour militaire
Les audiences publiques sur l’affaire « carnage des civiles » à Goma se poursuivent dans la capitale provinciale du Nord Kivu. La cour militaire siégeant en chambre foraine en procédure de flagrance poursuit avec l’audition des témoins dans l’affaire opposant l’auditeur supérieur et parties civiles à six militaires de la garde républicaine, dont deux officiers supérieurs.
Samedi 09 septembre 2023, le Maire intérimaire de la ville de Goma, en qualité de l’autorité politico administrative a comparu en tant que témoin, afin d’éclairer la Cour sur les événements tragiques du 30 septembre 2023 ayant conduit à l’assassinat d’une cinquantaine de personnes et de dizaines de blessés par balle réelle.
Le colonel Kapend Kamand Faustin, maire adjoint de la ville de Goma, assumant également l’intérim, déclare avoir réuni, le 29 aout, la veille des événements malheureux, les membres du comité urbain de sécurité sur comment analyser et initier un ordre d’opérations par rapport à la réaction définitive de la secte messianique dite « Wazalendo » qui tenait à tout prix à manifester.
Les membres du comité urbain de sécurité qui ont participé à la réunion convoquée par le maire de la ville sont notamment le commandant de la police CIAT urbain Goma, CIAT urbain de Karisimbi 1 et 2, le commandant bataillon police militaire, le CPP ANR mairie, CPP DGM/mairie, l’auditorat de garnison de Goma et le procureur de la République.
« Me référant à l’article 4 de la mise en œuvre de l’Etat de siège qui interdit toutes les manifestations pendant toute la durée de l’Etat de siège, les directives opérationnelles consistaient à occuper les points chauds, les points sensibles et sécuriser les installations de la Monusco ; disperser les groupes hostiles des manifestants et avec l’utilisation de la logistique anti-émeute, sans armes létales ; la communauté de renseignement était chargée de localiser l’église principale pour l’isoler et mettre à distance pour éviter l’attroupement pour rassemblement des adeptes dans cette église afin d’éviter qu’ils déferlent sur la ville… ce sont les quelques directive que j’ai données et cela sans brutalité, c’était bien mentionné dans le document… », renseigne l’autorité urbaine.
Dans ses dépositions, le commissaire supérieur principal, le colonel Kapend Kamand Faustin, jusqu’au neuvième jour de la commission du carnage, nie avoir vu les corps de 42 personnes abattues à bout portant par des militaires sur place aux alentours de l’Eglise lors des manifestations des adeptes de la secte messianique le 30 aout.
« Là où il y avait des attroupements hostiles, c’est-à -dire agressifs, il était prévu de récupérer les meneurs, afin qu’ils soient déférés devant les juridictions compétentes, le document existe et tous les services qui siègent au comité urbain de sécurité en ont eu copie ainsi que monsieur le Gouverneur de province », ajoute le maire adjoint de Goma. La cour militaire s’étonne en outre de la réaction de l’autorité urbaine ne reconnaissant que la mort du policier lynché par la foule, alors que deux premiers témoins, officiers de la 34e région militaire, présents sur le lieu du drame ont dénombré 42 morts sur place et 33 blessés.
« Monsieur le président, je ne savais si je devrais donner le bilan des autres morts…et je ne connais pas non plus de quelle manière ces 42 personnes sont mortes ; je n’étais pas là … J’ai seulement appris qu’elles sont mortes de balles réelles de l’unité de la garde républicaine, mais je n’avais pas vu… je ne connais pas le modus operandi de la mort de ces 42 personnes… », a déclaré l’autorité urbaine.
L’autre témoin qui a comparu devant la cour militaire le même samedi c’est le colonel Yves Rubenga, commandant quartier général de l’état-major à la 34eme Région militaire qui a également éclairé la Cour sur les événements du 30 août dernier.
Le colonel Yves Rubenga a brossé la situation telle que vécue ce 30 août 2023 en ces termes : « J’ étais alerté vers 3 heures qu’ il y avait des crépitement des balles vers Ndosho, je suis allé vers CBCA/Ndosho, la population avait posé certaines pierres que nous avions dégagées pour faciliter le passage », a déclaré le colonel Yves Rubenga avant de préciser qu’ il est arrivé au lieu du drame, à « Nyabushongo » avec le prévenu colonel Mike Mikombe, principal accusé, et le colonel Franck, directeur des renseignements à la 34eme Région militaire.
La Cour a pris acte de son témoignage qui a commencé par la prestation de serment de ne rien dire que la vérité à la Cour. Très attendu à ce procès, le commissaire supérieur principal Faustin Kapend, maire intérimaire de la ville de Goma a fait la gymnastique dans ses propres termes.
« Je suis allé sur terrain ce 30 août pour vérifier comment les hommes étaient déployés. J’ai visité les points chauds de la ville. Il n’y avait pas de menaces sauf vers l’hôpital de la CBCA/ Ndosho où la population brûlait des pneus », a déclaré le maire de la ville de Goma. A la question de savoir quelle force était déployée vers le lieu où les personnes étaient tuées, le maire de la ville a répondu: « c’était la Garde républicaine ».
Pour mémoire, la cour militaire du Nord-Kivu a débuté mardi 5 septembre à Goma le procès contre deux officiers de la garde républicaine, le colonel Mike Mikombe, commandant de la garde républicaine du Nord Kivu et le commandant du 192e régiment, le lieutenant-colonel Bawili Mbolitini, considéré comme le cerveau moteur de la répression sanglante du 30 aout dernier et 4 de leurs soldats. Ces deux hauts gradés de l’armée sont poursuivis pour trois chefs d’accusation, dont le crime contre l’humanité par meurtre.
Elysée Muzalia
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