Mining Indaba Interprovincial : Les provinces du Kivu vers la professionnalisation du secteur minier artisanal

Clôture le mercredi 30 août 2023 des travaux de la première édition de l’Alternative Mining Indaba interprovinciale.

Pendant deux jours, le Bureau d’Etudes Scientifiques et Techniques appuyé par Norwegian Church Aid a réuni plusieurs acteurs du secteur minier artisanal et privé, ceux de la société civile et des chercheurs sur la formalisation et professionnalisation du secteur minier artisanal : quelle contribution à la création des richesses et à la réduction des inégalités au Sud Kivu.

Les travaux se sont déroulés dans la salle de réunions de l’hôtel New riviera de Bukavu situé à La botte en commune d’Ibanda.

Au cours de ces assises, les débats et les orientations ont tourné sur l’accès aux ZEA, et leur nature juridique, leur appartenance et que faut-il faire pour qu’une ZEA permette une meilleure formalisation et la professionnalisation des activités minières artisanales.

Cette première édition de l’Alternative Mining Indaba a également permis aux participants de réfléchir sur l’accès à des financements de types bancaires et des normes d’assurance qualité en prospection minière artisanale qui puissent être un instrument de dialogue entre les banques et les coopératives minières.

A en croire le directeur du BEST, cet instrument devrait permettre aux coopératives d’avoir une certaine connaissance de réserves de zones minéralogiques de la ZEA et discuter avec les banques pour accéder aux financements.

Philippe RUVUNANGIZA croit savoir que les questions de l’environnement et le concept Exploitant artisanal ont aussi été abordés durant les deux jours des travaux, en vue d’avoir une formalisation qui contribue à combattre les inégalités dans l’accès aux ressources minières et contribuer à la création des richesses.

« A ce stade ici l’objectif n’était pas de voir ce qui va changer concrètement sur le terrain ; l’objectif important poursuivi était plutôt de modifier le regard qui est porté sur l’exploitation minière artisanale pour voir comment elle arrive à contribuer à la production des richesses au niveau des exploitants eux-mêmes et pour l’Etat congolais ; à ce stade on a réussi à impulser de nouvelles façons de voir les choses et je ne pense pas que toux ceux-ci puissent avoir des effets dans l’immédiat mais une chose importante est que les gens commencent à regarder les choses différemment, sortir des idées reçues de choses qui paraissaient comme acquises, comme vraies et qui au regard de l’expérience de terrains, aujourd’hui ont été remises en question pour voir si on peut se réaligner et avoir une exploitation minière artisanale responsable et durable Â», ajoute Philippe RUVUNANGIZA.

L’autre aspect phare qui a été pris en compte dans cette activité a été focalisé sur des perspectives pour valoriser le travail des femmes sur les chaines de valeur de l’exploitation minière. Selon la coordinatrice de l’Association des Femmes des Médias, AFEM, les mines constituent les milieux où des violences sexuelles et basées sur le genre à l’égard des femmes se posent avec une grande ampleur.

Pour Julienne Baseke, « les mines sont loin d’être des refuges ou abris sures et salubres pour de nombreuses femmes et filles qui cherchent à s’y refugier ; ces dernières sont en proie à des violences de divers ordres, leur vulnérabilité se trouve accentuée par leur présence dans les mines Â», souligne Julienne Baseke.

En ce qui concerne la participation des femmes à la chaine de valeur de l’exploitation minière, la coordinatrice de AFEM a peint un tableau sur les rôles des femmes et la place, le lien et les interactions ainsi que les rapports entre les femmes et les différents acteurs du secteur minier.

« En observant les chaines de valeur de l’exploitation minière, de l’extraction à la commercialisation au niveau local, force est de constater que les femmes sont reléguées au second plan et ne s’occupent que des activités jugées ou perçues comme de seconde valeur. Elles sont au service des hommes qui sont majoritairement les propriétaires soit superviseurs soit les gestionnaires des carrés et sites miniers. Rares sont des femmes qui disposent d’un titre de propriété ou d’un permis d’exploitation, mais les taches dévalorisées réservées aux femmes sont le concassage, le lavage, le tamisage, le triage et le traitement des minerais sans matériels adéquats et pour des rémunérations dérisoires et insignifiantes », renchérit Julienne Baseke.

Elle fustige des inégalités stéréotypées à l’égard des femmes dans l’accès aux ressources minières sur fond de normes coutumières rétrogrades, mais aussi l’exploitation sexuelle de la part des hommes creuseurs, basés sur l’abus de pouvoir. La même source ajoute qu’il est illusoire d’espérer au développement du secteur minier pendant que les femmes ne sont pas impliquées et valorisées à juste titre dans la chaine de valeur.

Les participants se disent satisfaits de la tenue de ces assises à Bukavu et qui, estiment-ils, contribueront à améliorer le secteur d’exploitation minière artisanale qui fait vivre des milliers d’habitants dans les zones minières.

« De telles assises sont importantes pour arriver à un stade où le secteur minier artisanal doit être formalisé, normalisé et à la fois respecter les normes de la législation nationale en vigueur, le code et le règlement minier en vigueur mais également les normes internationales notamment sur la diligence raisonnable, la traçabilité, et la transparence. Ce genre d’initiatives nous permet d’échanger avec les acteurs de la chaine d’approvisionnement de l’amont jusqu’en aval pour comprendre les défis qu’ils rencontrent et c’est une première en province du Sud Kivu d’avoir une activité Alternative Mining Indaba Interprovincial des provinces du Kivu pour effectivement comprendre les défis, les perspectives, mais aussi les forces et les faiblesses dans la gouvernance minière artisanale. Et c’est très important parce qu’on touche toutes les filières qui sont exploitées en province du Sud Kivu, notamment la filière aurifère pour l’or, la filière stannifère pour la cassitérite et le wolframite pour le coltan ; …ces assises sont importantes par le fait qu’elles rappellent les défis et rappeler aussi les pistes de solution ainsi que les perspectives pour que des décisions idoines soient prises ; parce que le secteur minier artisanal est gangréné par certaines pratiques notamment la fiscalité, l’inéligibilité de certains acteurs, l’accès aux financements, en ce qui concerne la professionnalisation de l’exploitation minière artisanale et tous ceux-là demandent à ce que tous les acteurs concernés puissent en débattre pour trouver des solutions durables ; même si on en parle depuis les années passées, il est important d’en parler à des assises comme celles-ci… Â», précise Benjamin Bisimwa, secrétaire de la commission nationale des mines artisanales de la Fédération des Entreprises du Congo, FEC.

Notons que cette activité s’inscrit dans le cadre du programme combattre les inégalités, mis en Å“uvre par BEST avec l’appui financier de NCA-RDC. Pour réduire les inégalités, NCA et ses partenaires plaident pour un financement accru des objectifs de développement durable (ODD) et de la protection sociale universelle.

NCA lutte contre la corruption et les flux financiers illicites et plaide pour que les gouvernements soient plus responsables de veiller à ce que les ressources publiques soient redistribuées de manière juste et équitable. NCA et ses partenaires mobilisent les titulaires de droits, renforcent la capacité de plaidoyer de la société civile et engagent les acteurs religieux en tant qu’ambassadeurs de la lutte contre les inégalités, afin de demander des comptes aux responsables.

Elysée Muzalia