RDC : Crimes internationaux, l’accès à la réparation au cœur d’une conférence à Bukavu
La Ligue des Droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL) annonce des actions de plaidoyer pour l’effectivité des mécanismes de la justice transitionnelle en République Démocratique du Congo. Ces mécanismes réitèrent l’accès à la justice et à la réparation en faveur des victimes des crimes internationaux commis sur l’ensemble du territoire congolais et qui restent impunis. Cet engagement a été pris au terme d’une conférence initiale tenue du 23 au 24 novembre 2023 dans la ville de Bukavu au Sud Kivu.
Selon le coordonnateur de la LDGL, ces assises ont permis de mener des réflexions avec les acteurs de l’accès à la justice et ceux intervenant sur les questions de la réparation pour contribuer au processus de la lutte contre l’impunité des crimes internationaux en RDC depuis les années 1996 à ces jours.
A en croire Epimack KOKO, cette lutte nécessite l’implication de tous les acteurs pour renforcer le plaidoyer à plusieurs niveaux pour que les victimes des crimes internationaux obtiennent réparation.
« Nous allons prendre tous les acteurs, les parlementaires y compris, les partenaires de développement, les organisations de la société civile et les médias pour constituer une synergie avec un plan d’action de plaidoyer à mener. Nous allons poursuivre la sensibilisation médiatique, des ateliers avec les autorités étatiques, les acteurs de la justice pour que tout le monde comprenne la justice transitionnelle, ce que nous pouvons faire au Congo spécifiquement parce que tout doit être adapté au contexte de chaque pays, on doit faire la volonté du peuple, poursuivre la documentation, identifier les victimes parce qu’on doit faire la réparation de vraies victimes. Nous devons arriver à constituer une base des données de vraies victimes, nous allons constituer une équipe d’enquêteurs pour descendre sur le terrain et savoir quelles informations ils doivent récolter sur le terrain… », a-t-il précisé.
Les différents conflits armés et tensions politiques qu’a connus la République Démocratique du Congo ont occasionné des violations graves et massives des droits humains dont certains sont constitutifs des crimes internationaux : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crime de génocide et crime d’agression.
Beaucoup de ces faits sont restés à ce jour impunis, avec le risque que d’autres soient commis, causant ainsi l’absence des objectifs de la rédemption du coupable et de l’intimidation des émules éventuels que vise la sanction pénale.
« Peu importe les années que la lutte prendre, nous allons continuer à réclamer justice. Aujourd’hui on continue à juger les criminels Nazi dans d’autres nations. Chez nous on n’a pas encore jugé même le un tiers des criminels et d’autres on ne les connait pas, on n’a pas encore identifié les victimes. Nous avons encore un long chemin à parcourir, tout ce qui vaut la peine c’est d’abord cet engagement, cette détermination et puis le début. Il est important que le gouvernement en comprenne l’importance et encadre tout le processus par des politiques et des lois, c’est pourquoi nous allons commencer par des plaidoyers sur l’adoption d’une politique nationale de justice transitionnelle et qui doit contenir des stratégies ou mécanismes qui aideraient les congolais.es à obtenir réparation, à accéder à la justice, à la vérité et qui contiennent aussi des garanties de non répétition pour que tous les crimes commis depuis les années 1993 et aujourd’hui que ça ne reviennent plus jamais. Nous pouvons commencer et d’autres pourront continuer plus tard. », ajoute Epimack KOKO.
Ce dernier s’interroge sur le sort des victimes des crimes internationaux qui restent abandonnées à leur triste sort. A en croire ses propos : « il y a eu des gens qui ont été violés, d’autres pour qui on a incendié des maisons, on a pillé des biens, on a détruit des écoles, on a incendié des églises, on a détruit des fontaines d’eau, et tous ces cas sont restés impunis, non réhabilités dans beaucoup de villages, il y a des victimes qui n’ont pas bénéficié de la justice, quand bien même d’autres en ont bénéficié, elles n’ont pas encore bénéficié de la réparation alors que la finalité de saisir la justice ce n’est pas seulement de voir l’auteur du crime ou le violateur du droit être condamné mais c’est la recherche que la victime soit rétablie dans ses droits ».
Rappelons que le Gouvernement congolais a mis en place le Fond National de Réparation des Victimes de violences, afin que toutes les décisions de justice qui moisissent dans les tiroirs soient remises sur la table pour obtenir réparation.
« Les organisations qui ont accompagné les victimes de différents crimes internationaux doivent donc saisir l’opportunité en formulant des demandes en réparation. Elles doivent rentrer dans leurs bases des données, reprendre toutes les décisions, faire le calcul de tous les dommages et intérêts prononcés par les cours et tribunaux congolais au profit des victimes et faire une demande de paiement au gouvernement congolais via le FONAREV », renchérit la même source.
Environs 3 million des victimes directes et indirectes des crimes internationaux sont répertoriées au Sud Kivu depuis les années 1993 à ces jours dus à plusieurs rébellions armées qui ont secoué l’Est du Congo. Les territoires les plus touchés sont Shabunda, Fizi, Uvira, Mwenga, Walungu, Kabare et Kalehe même si la documentation et l’identification se poursuivent, souligne la LDGL.
Notons que l’atelier initial sur l’accès à la justice et à la réparation a bénéficié de l’appui financier de Trial International et de la Fondation Panzi dans leurs programmes d’accompagnement des victimes des crimes de masse et de plaidoyer pour une réparation effective, afin qu’aucune victime ne soit laissée de côté.
La protection civile a également pris part à cette activité. Son rôle dans la dynamique de la justice transitionnelle s’avère central pour la protection efficace et effective des droits des communautés et construction de la paix durable au Sud Kivu, croit savoir la LDGL.
Elisée Muzalia
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