RDC-RWANDA-BURUNDI : ‘’Business for Peace’’ par les femmes dans la région !

Posté par  Cikuru Kadjunga   à       3 années ago     434 Views     Laisser vos impressions  

Le petit commerce transfrontalier se porte à merveilles dans le district de Rusizi, au Rwanda, la ville de Bukavu, en RDC et à Gatumba, au Burundi. Des milliers de femmes s’y adonnent dans l’objectif de pouvoir subvenir aux besoins de leurs. Au-delà de cette autonomisation économique qui saute à l’œil, acquise au fil des jours, la paix trouve aussi son compte. Nul doute que le business fait bon ménage avec la cohésion sociale dans les trois pays voisins. Focus sur ce genre de petit commerce salvateur qui place largement les femmes en première ligne dans la bataille pour le pain avec la paix.

A l’occasion de la journée dédiée à la femme africaine célébrée le 31 juillet 2021, votre rédaction a voulu se rendre à l’évidence des retombées pratiques de ces échanges commerciaux des femmes aux maigres capitaux. Sans un brin de doute, des témoignages faisant état d’amélioration des conditions de vie de bon nombre de ménages et de la consolidation de la paix s’accumulent.  

Bâtir la paix à petits pas

‘’C’est depuis 2017 que j’exerce ce petit commerce des tomates que j’ai l’habitude d’acheter au Rwanda à bon prix. Par ce travail, je sais déjà prendre en charge mes sept enfants laissés par mon défunt mari. Je réussis à nouer des bonnes relations avec mes collègues petites commerçantes de RUSIZI, et cela est utile pour nous ’’, s’empresse de témoigner une veuve, petite commerçante, rencontrée à Bukavu.

Dans cette ville, la cartographie actualisée estime à plus de sept mille petits commerçants transfrontaliers composés, dans l’immense majorité des cas, des femmes.

En dépit de son capital ne dépassant pas cent dollars, cette mère de cinq enfants soutient qu’elle ‘’ ne ploie plus sous le poids du veuvage’’ grâce à son activité génératrice des revenus. Ce petit commerce est apprécié à juste titre par des hommes qui se félicitent du coup de main des femmes à la survie des ménages.

Jean-Marie KASIGWA, un fonctionnaire de l’Etat au Sud-Kivu reconnait l’impérieuse nécessité d’encourager sa femme dans le petit commerce transfrontalier qui est devenu, dans une certaine mesure, sa seconde nature.

‘’Chaque jour, ma femme traverse la frontière Ruzizi 1 pour chercher des produits vivriers au pays de mille collines, le Rwanda. Elle écoule facilement ces produits dans les périphéries de la ville. Mon salaire tarde à être payé, et ma femme bouche le trou. Rien à craindre pour notre survie. Elle se bat pour nourrir la famille comme il faut en appui à mes faibles efforts en tant que mari’’.  

A en croire Aline MASIKA, sociologue de son état, les femmes petites commerçantes vivent dans un climat d’harmonie mutuelle qui met fin aux préjugés et autres croyances erronées, voire dégradantes à l’égard des compatriotes de ces trois pays, soit du Rwanda, ceux du Burundi ou soit ceux de la RDC.

Les liens de bon voisinage sont confortés par ce petit commerce, témoigne, en outre, Mireille NSIMIRE, une vendeuse des poulets et saucissons. Cette expérience de cohésion sociale ne fait l’ombre d’aucun doute.

‘’Depuis déjà huit ans, je vais au Rwanda et au Burundi pour me procurer de ces marchandises.  J’y passe même une semaine chez mes collègues. Elles aussi viennent chez nous à Bukavu, accueillies dans nos maisons pendant quelques jours dans un élan d’amour indissoluble. Nous nous entraidons beaucoup même par des crédits rotatifs. Nous avons le temps de parler de ce qui nous unit en lieu et place de ce qui nous divisait par le passé. Nous nous invitons aux cérémonies de mariage, de baptême, de naissance et de deuil â€˜â€™.

Sans détours, la présidente de l’association ‘’Solidarité des femmes pour le bien-être familial’’, Chance MUHIGWA déclare que ce petit commerce transfrontalier constitue un pas considérable pour la consolidation de la paix dans la région. Et ce, au regard des projets qui sont souvent exécutés par de nombreuses organisations actives sur ce chantier de l’autonomisation ou du relèvement économique des femmes.

‘’ Nous avons vu des indicateurs objectivement vérifiables, IOV avec des projets comme Mupaka Shamba Letu (La frontière, notre champ), Tushiriki wote (Participons tous) et ainsi de suite. Le mur de méfiance latente qui se dressait entre les populations de ces trois pays s’ébranle progressivement. C’est, notamment, sur des sites comme Kigali, Rusizi, et Rubavu au Rwanda ; Goma, Bukavu, Kamanyola et Uvira en RDC et Gatumba au Burundi’’.

Constant MUBALAMA, un jeune anthropologue passionné s’en réjouit de ce type d’entrepreneuriat régional au féminin :

‘’ Au fur et à mesure que les femmes continuent à s’accommoder à cette approche de « Business for peace Â», la paix sera indubitablement consolidée. Ce sera une brèche ouverte au laborieux processus de développement intégré dans la région’’.

D’après nos informations, plus de cent groupes de dialogue sont déjà formés depuis trois ans pour donner l’occasion aux petits commerçants de discuter sur des sujets variés. Heri MURABAZI de l’association ‘’Medias transfrontaliers pour la paix intercommunautaire, METRACPI’’ basée à KAMANYOLA cite, entre autres, l’égalité des sexes, la résolution pacifique des conflits, le leadership, le développement durable, l’éducation financière, la justice sociale et consorts.

Des rencontres s’intensifient pour débattre de ces questions vitales dans le cadre des groupes de dialogue qui favoriseraient une meilleure cohésion sociale et une intégration économique régionale d’impact.  

Jeannette CYUZUZO, une jeune femme rwandaise, chercheuse en carrière entrepreneuriale des femmes, avoue que les relations avec les femmes petites commerçantes de Bukavu sont plus que rassurantes. Il y a de quoi se frotter les mains.

‘’Nous faisons ce que nous pouvons pour vivre une expérience de paix entre nous concitoyens de la région. Les décideurs politiques font aussi ce qu’ils peuvent pour maintenir le cap des relations amicales entre Etats. Avec ce commerce transfrontalier, nous sommes condamnés à nous entendre. Sinon, nous mourons un jour comme des imbéciles, tel que disait Martin Luther KING’’.

Pour sa part, Helene NYABENDA du Burundi croit dur comme fer que seul le chemin de la paix mènerait ces pays transfrontaliers à l’émergence à l’horizon 2030 au grand bénéfice de leurs citoyens.

‘’La paix est l’autre nom du développement, dit-on. Ce petit commerce, nous ne le réussirons jamais si nous pouvons l’exercer dans une sorte d’inimitié ou de haine inacceptable dans nos pays. Coup de chapeau à Alert international, au Guichet d’économie local et d’autres partenaires qui nous ont emballé dans ce business qui nous rend autonomes dans nos familles, et grâce à quoi, nous sommes avec nos maris des bâtisseurs de la paix ’’.  

Autonomisation économique assurée  

Contacté, le professeur en économie, Alain MWAMBA pense que ces échanges commerciaux ont une véritable incidence sur la vie socioéconomique des ménages dans les trois pays. Bien plus, dans les villes d’autres pays avec lesquelles la RDC partage ses frontières.

‘’Vous savez que la RDC partage 9.165 km de ses frontières avec neuf pays, à savoir : l’Angola, le Burundi, le Congo Brazzaville, la Centrafrique, le Rwanda, l’Ouganda, la Tanzanie, le Soudan du sud et la Zambie. Etant membre du Marché Commun de l’Afrique Orientale et Australe, COMESA, la RDC a depuis 2016 signé l’accord sur le petit commerce transfrontalier appelé le régime commercial simplifié du COMESA-RECOS. Cela, pour permettre aux petits commerçants transfrontaliers de bénéficier des exemptions des droits de douane sur les marchandises figurant sur les listes communes des produits éligibles au RECOS et dont la valeur n’excède pas 2000 dollars américains’’.

Pour ceux qui ne le savent pas, le RECOS est un programme lancé par le Marché Commun de l’Afrique Orientale et Australe en vue d’aider les petits commerçants transfrontaliers dont la plupart sont les femmes à augmenter la taille de leurs activités.

Les avantages économiques de ce petit commerce ne sont pas à démontrer, détaille un responsable du guichet d’économie local abordé sur ce sujet. Pour lui, ce type d’activité d’importance inestimable contribue à plus de 40% à l’amélioration  des conditions de vie sur le continent.

‘’Ce commerce transfrontalier constitue aujourd’hui un aspect important de l’environnement social et économique de notre sous-région, plus largement encore, de l’Afrique. Selon certaines estimations, il contribue aux revenus d’environ 43% de la population du continent. Il améliore les conditions de vie et crée des emplois, y compris pour certaines catégories des populations marginalisées ou défavorisées’’.

Et d’ajouter, par ailleurs, que ces échanges transfrontaliers sont dominés par les produits de l’agriculture et de l’élevage. Par conséquent, ‘’ils constituent un facteur essentiel pour la sécurité alimentaire dans de nombreux endroits. Ils jouent donc, à divers égards, un rôle crucial pour la prospérité et la réduction de la pauvreté dans la sous-région’’.

Lors de la cérémonie de signature du plan d’actions pour la promotion et la facilitation du petit commerce transfrontalier, le coordonnateur provincial au Sud-Kivu du programme de facilitation du commerce dans la région des grands-lacs, PFCGL, un programme financé par la Banque mondiale, professeur Célestin BUCHEKUDERWA a précisé que ces échanges commerciaux sont à la base de l’économie de survie de plusieurs familles sur le sol à la fois rwandais , burundais et congolais.

‘’Il permet aussi la survie de nombreux agriculteurs et éleveurs (congolais et rwandais), grossistes et employés d’entrepôts et – dans une bonne mesure – d’agents de la frontière du côté congolais. Ce commerce génère aussi des revenus significatifs pour les provinces et les États. Il constitue une preuve visible de la forte interdépendance économique de villes (Rusizi et Bukavu)  et des régions frontalières’’.

Des acteurs de la société civile sont unanimes d’affirmer que les femmes sont devenues des ‘’forces motrices, des plaques tournantes du petit commerce avec un point d’honneur sur la construction de la paix entre les trois pays voisins’’. Des initiatives dignes d’être encouragées au grand bonheur de toutes les communautés, renchérit-on.  

‘’Une région intégrée, prospère et pacifique en dépend’’, martèle Amina AGANZE, directrice exécutive de la Société internationale de la femme africaine, SIFA en sigle, une organisation à pied d’œuvre à Bukavu.

‘’Il n’y a aucun mal à changer d’avis, pourvu que ce soit dans le bon sens’’, disait Winston CHURCHIL, ancien Premier ministre du Royaume-Uni.

Alice KAJABIKA

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