RDC/ Sud Kivu : Quand l’article 14 du protocole de Maputo devient source des conflits, des vies humaines tuées
« Malgré l’avis favorable du médecin à l’avortement, et l’accord de sa famille, son mari lui n’a accepté, jusqu’à ce que sa femme est morte » s’indigne Agnès Bujane. Dans une province où des cas des grossesses indésirables dues à majorité au viol des femmes et filles soit par des groupes armés ou des cas d’inceste, l’avortement médicalisé malgré garantie par le protocole de Maputo en son article 14, reste rejeté par une grande partie de la population que des églises, qui ne s’empêchent pas de le qualifier de satanique. Souvent face au désaccord, certains couples divorcent, d’autres recourent aux avortements clandestins,…Des associations des droits des femmes fustigent la faible implication de l’Etat pour faire respecter l’intégralité de ce protocole.
Malgré sa ratification par la République démocratique du Congo, l’application du protocole de Maputo, surtout l’article 14, reste une source des conflits et division, et dans les familles, mais surtout dans les milieux religieux et traditionnels, où il est qualifié parfois de contraire aux valeurs Congolaises.
Ces préjugés sur la disposition des alinéas de cette article, qui donne le droit à l’avortement médicalisé en cas d’agression sexuelle, de viol d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus, n’est toujours pas jusque-là acceptée par toutes les couches de la population.
A Bukavu, chef-lieu de la province du Sud Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo, RDC, ce refus de ce protocole par certains dans des communautés, poussent plusieurs filles et femmes à l’avortement clandestin, non médicalisé. Malheureusement, selon des informations données par des professionnels de santé, cette voie tuée des filles et femmes ; devient source de la destruction des appareils génitales et d’autres complications médicales.
Refus de l’article 14 du protocole de Maputo : témoignages poignants
Autant la période de confinement a contribué à l’augmentation des grossesses indésirables due au viol en famille, que celui des groupes armés ; des organisations de défense des droits des femmes à l’instar de l’Association des Femmes des Médias, AFEM en RDC condamne ces viols et grossesses, qui ont poussé plusieurs femmes et filles aux avortements clandestins, craignant le rejet et l’humiliation dans leurs familles.
Jeanne Buhendwa Badesire, jeune fille de treize ans manifestement gamine s’est, au fil des mois, retrouvée engrossée par son cousin pendant la période de confinement. Panique et chagrin dans son cœur, dit-elle, elle a failli se suicider, car ses parents ne voulaient pas qu’elle avorte.
« Je me rappelle qu’avec mon mari à ma deuxième grossesse, nous avons eu à discuter sur l’urgence d’avorter parce que notre médecin disait que ma vie était en danger à force de trainer avec le bébé décédé dans mon ventre. Malheureusement pour mon mari chaque grossesse signifie un enfant, et suivre le point de vue du médecin, va conduire au divorce » s’indigne Anne Mawazo Ruhune.
Mawazo Ruhune nous signale avoir accepté de passer aux procédures de divorcer pour sauver sa vie, malgré le refus de son mari.
« Je suis infirme, ce qui m’oblige de mendier, car mes parents n’ont rien à m’offrir étant sans activité. Un jour, un monsieur se présentant comme Pasteur est venu m’est proposé d’aller prier dans son église, pour me délivrer de cet esprit de mendicité et chômage de mes parents. Malheureusement, le viol considéré comme tabou et l’avortement médicalisé qui est rejeté, j’étais obligé de cacher ma grossesse jusqu’à ce que j’ai recouru à l’avortement clandestin
Docteur André Bukasa, médecin bénévole en tournée dans la province du Sud kivu, nous confie avoir eu le cas d’une femme décédée, suite à une grossesse à haut risque, parce que malgré l’accord du mari pour faire avorter sa femme, le pasteur s’est opposé.
« Au quatrième mois de la grossesse, les complications de santé de la femme se sont avérées encore plus compliquées ; nous avons été obligé d’évacuer le fœtus pour sauver la maman, mais c’était déjà en retard car la situation était quasi irréversible. Malheureusement, et la mère que le bébé étaient morts » se rappelle tristement, docteur André Bukasa
Des professionnels de santé : le respect de l’article 14 du protocole de Maputo réduirait les avortements clandestins
Dans la province du Sud kivu, la ville de Bukavu en particulier, il est parfois difficile d’avoir une idée sur le nombre exact de plusieurs cas des décès dus aux avortements, estiment certains professionnels de santé. Certains pensent que la recrudescence de ces avortements est en f=grande partie due à la non application de l’article 14 du protocole de Maputo.
Le Coordonnateur de l’organisation : « Les ailes du cœur », docteur Patrick Cibangu, qui travaille sur les questions de la santé sexuelle et reproductive confie que non seulement, il y a résistance de l’article 14 du protocole de Maputo par des communautés, mais il y a encore l’ignorance de certaines femmes de son contenu.
« Nous avons eu à sensibiliser des filles dans certaines écoles sur le droit à l’avortement ; et beaucoup d’elles, nous ont confié, que certaines de leurs collègues ont dû recourir à l’avortement clandestin, parce qu’elles ignoraient l’article 14, du protocole de Maputo » signale docteur Patrcik C
De son côté, le docteur Ange Mutula, estime qu’il y aura toujours augmentation des cas d’avortement no médicalisé, au vu des préjugés, qui entourent l’article 14 du protocole de Maputo.
« Personnellement, quand j’échange avec mes patientes, plusieurs d’elles me disent qu’il est facile de recourir à un avortement clandestin, car celui médicalisé ; malgré que notre pays l’autorise ; et la société que des églises, le rejette. Et dans la majorité des cas, il faut protéger son honneur, disent-elle » confie docteur Ange Mutula
Pour sa part, docteur Francine Bintu fait savoir qu’au vu du secret des avorteurs, que ce sont souvent les complications pour avortements clandestins que leur structure médicale soigne, et regrette cette non application de l’article 14 du protocole de Maputo.
Elle signale avoir fait un sondage sur les avortements, notamment sur 100 cas de complications dues aux avortements clandestins dans la ville de Bukavu» en vue de «déterminer leur prévalence, d’identifier les facteurs qui les favorisent, d’identifier les avorteurs et les procédures qu’ils utilisent pour interrompre les grossesses…et de proposer des mesures de lutte contre ces avortements».
En tout, elle signale que beaucoup de femmes et filles contactées font savoir qu’elles recourent aux avortements clandestins suite à l’ignorance et la non application de l’article 14 du protocole de Maputo ; le refus de certaines familles d’autoriser l’avortement en cas d’inceste ou viol,…Et malheureusement nombre d’avorteurs décèdent suite aux complications médicales, car non médicalisés, conclut-elle.
Des organisations impliquées dans la lutte invitent l’Etat congolais à faire respecter l’article 14 du protocole
En mars 2018, le Protocole de Maputo a été publié dans le Journal Officiel, légalisant l’accès à l’avortement sécurisé dans le pays. Pourtant, depuis ce temps, le progrès sur la mise en œuvre du Protocole de Maputo, surtout l’article 14 ; plusieurs personnes recourent à l’avortement clandestin, tuant ainsi des vies humaines.
Face à l’augmentation des morts que le rejet de l’article 14, par une certaine couche de la population, des organisations de défense des droits de la femme, à l’instar du mouvement rien sans les femmes en RDC recommande l’implication de l’Etat spécialement et d’autres acteurs pour trouver solution à cette problématique.
Ce mouvement fait savoir que le protocole de Maputo demande aux Etats signataires de garantir la mise en application intégrale de ce protocole, notamment son article 14
Il demande au gouvernement de garantir les droits aux femmes et filles d’interrompre une grossesse contractée à la suite d’une agression sexuelle, d’un viol et d’un inceste.
Ce mouvement est convaincue que le fait d’une femme d’être contrainte de garder une grossesse résultant de ces cas, constitue un traumatisme supplémentaire de nature à affecter sa santé physique et mental.
De son côté, les ailes du cœur, demande au gouvernement de faire respecter le droit d’interrompre une grossesse, lorsqu’elle présente un danger pour la santé de la mère, comme garantit par ce protocole.
Cette organisation indique que l’Etat a l’obligation de veiller à ce que les cadres juridiques en place facilitent l’accès des femmes à l’avortement médicalisé́, lorsque la grossesse présente un danger pour la santé de la mère.
Et enfin, cette structure demande à l’Etat congolais de garantir le droit d’interruption d’une grossesse lorsqu’elle comporte des risques pour la vie de la mère ou du fœtus. Elle indique que le protocole de Maputo garantit le droit de mettre un terme à une grossesse lorsque la vie de la femme est menacée. Or la vie des femmes se trouve en danger lorsqu’elles n’ont pas accès à des procédures légales de sécurité́, ce qui les oblige à recourir aux services d’avortements clandestins.
Et face à ces recommandations, le ministre provincial de la santé, Cosmos Kusimwa promet que la province va multiplier la sensibilisation à toutes les couches de la population pour faire comprendre le contenu de ce protocole.
Par ailleurs, celui-ci signale que son ministère va collaborer davantage avec des organisations, qui travaillent dans la sensibilisation du protocole de Maputo, appelé encore la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux droits des femmes.
Déo Cikuru
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