Sud-Kivu : Dans l’intimité d’une survivante du viol !

Posté par  Cikuru Kadjunga   à       1 année ago     406 Views     Laisser vos impressions  

Le viol demeure une préoccupation majeure dans cette province en proie aux conflits armés, mieux encore, à l’insécurité persistante. Une fois de plus, les victimes continuent à être comptées, et se retrouvent partagées entre les sentiments de dépression quasi ineffaçable et la révolte. Une femme victime de ce fléau dans la localité de Kalonge, en territoire de Kalehe s’en souvient, et en parle sur une note d’amertume.

La scène s’était déroulée dans la nuit du samedi 24 Juin  2023 quand des hommes armés sans foi ni loi ont surgi dans ce village. En plus de dévaliser quelques maisons, ils se sont évertués, sans toute forme de procès, à violer les femmes. Sur ce point, les victimes étaient au nombre de trois, mises à part des personnes kidnappées et celles assassinées.

Traumatisée à l’excès

« C’était aux environs de 2h du matin lorsque treize militaires avaient pris d’assaut notre village. S’introduisant de force à la maison, ils avaient ligoté mon mari, après avoir abattu sur le champ mon fils ainé. La menace de me loger une balle dans la tête était grande au cas où je résisterais à me faire violer », se rappelle, tristement, Nyota, 34 ans, mère de neuf enfants.

Et de poursuivre qu’en l’espace d’un laps de temps, ces bourreaux avaient accompli leur sale besogne.

 Â« Je ne saurai pas décrire l’intensité des douleurs que je ressentais. Atroces ! Pire

encore, l’appareil génital était ensanglanté, car détruit, par ces criminels qui, après l’acte, avaient emporté mon mari dans la brousse me laissant par terre dans une sorte d’inconscience ».

Cet état des choses a été documenté par l’association des femmes de médias, AFEM. Consternée, sa coordinatrice a eu à déclarer, lors d’un point de presse, que cela n’était pas un cas isolé dans une province où il ne fait pas bon vivre pour les femmes, surtout celles des milieux ruraux.

« En octobre dernier, quinze femmes avaient été violées dans les territoires de Kalehe, d’Uvira, de Fizi et de Walungu. Ce qui est très grave encore est que douze femmes étaient lâchement assassinées par des hommes en armes », fait remarquer cette structure des femmes de medias qui a enquêté sur ce sujet brulant.

Manifestement, la situation des droits des femmes est au Rouge. Les éléments de l’armée régulière, sans doute indisciplinés, et les miliciens, s’activent à violer les femmes comme si l’on était dans un Etat de non-droit, s’indigne Solange Lwashiga, défenseure des droits des femmes, coordinatrice de Caucus de femmes pour la justice et la paix.

Nyota avoue avoir perdu le goût de vivre à la suite de cette ignominie. L’envie de se suicider lui montait au cœur.

« Je ne saurai pas décrire l’inténsité des douleurs que je ressentais : Atroces ! Pire encore, l’appareil génital était ensanglanté,…« Je me sentais totalement déshumanisée. Je n’avais pas d’autre choix que me de mettre une corde au cou, et en finir avec ma vie. Un plan raté lorsque les voisins venaient à ma rescousse en m’entendant pousser des cris de détresse. J’étais semblable à une ‘’mort vivante’’ ».

Retour à la vie ?

Elle se voyait comme une ‘’mort vivante’’, insiste-t-elle. Peu à peu, par la force des circonstances, Nyota a recommencé à regarder sa vie du bon côté.

« Mes proches du village avaient proposé de m’amener au CICR ou à l’hôpital général de référence de Panzi pour de soins appropriés. Finalement, après quelques semaines de traitement à Panzi, je recouvrais ma santé physique. Il ne restait qu’à résoudre mon problème de dépression qui m’agaçait en tout temps ».

Certes, la cité de la joie s’est révélée pour cette femme une solution à la taille de son chagrin. Hier, Nyota versait des larmes de tristesse, tombant en syncope tout au long des journées en se rappelant le scenario tragique, mais aujourd’hui, ses larmes traduisent la joie.

« Je pleure de joie puisque j’ai su reprendre mes forces, physiques et mentales. J’ai appris à oublier progressivement ce qui m’était arrivé. Une pointe de mélancolie estencore là à cause de la disparition émouvante de mon fils et de mon mari. J’en suis révoltée ! ».

Au stade actuel, elle assure être ‘’retournée à la vie’’. « Je peux travailler, manger, converser avec les gens, prier…Parce que ma vie reprend son cours normal si rapidement ».

Peur de représailles

Forte de parler avec aisance, cette brave femme se fait superbement passer pour une activiste des droits humains. Révoltée, elle estime que ce genre de situation indigne est à dénoncer. Seul obstacle : la peur de représailles. Elle se souvient du sort que certains habitants avaient pu subir en dénonçant cette série d’actes odieux dans le territoire de Kalehe.

« Quelques-uns avaient perdu la vie, d’autres étaient obligés à s’enfuir vers la ville de Bukavu ou ailleurs par crainte d’être aussi abattus », témoigne Nyota, visiblement révoltée, à voir cette donne changer.

Et de marteler, sans ambages, en ces mots :

« Malgré tout, la communauté devra se lever pour briser la loi du silence qui

entoure souvent les violences sexuelles, même celles basées sur le genre. C’est un crime, c’est une injustice qu’il faut arrêter net. Sinon, c’est toute une génération des femmes qui sera sacrifiée, surtout dans notre région (Est de la RDC) toujours sujette aux conflits armés de tous ordres avec leur corollaire ».

Par ailleurs, les organisations non gouvernementales devraient appuyer sur

l’accélérateur pour sensibiliser sur ‘’l’urgence de briser le silence complice autour de ce fléau, ce tueur à petit feu de toute une communauté’’.

Espoir d’une nouvelle ère

Au fur et à mesure que les jours s’écoulent, les blessures de Nyota se pansent.

L’accompagnement psychosocial qu’elle a reçu au-delà des soins médicaux lui permet de tenir bon. Elle refuse de continuer à se ‘’victimiser’’, et se décide de regarder sa vie avec des lunettes roses.

« Je pensais que c’est complètement fini pour moi. Je maudissais le jour de ma naissance, et j’avais une rage cruelle de vengeance contre mes bourreaux. Par

bonheur, je me rends compte que ma vision des choses a changé. J’ai été violée, mais j’ai pris ma vie en main pour ne pas ‘’violer’’ mon avenir », raconte, esquissant un petit sourire aux lèvres, cette mère passionnée aujourd’hui par la couture.

Ce qui l’enchanterait le plus, renchérit-elle, c’est la fin de cette crise de viol à laquelle sont confrontées de nombreuses femmes et jeunes filles dans les zones rurales au Sud-Kivu. Un simple conflit armé déclenché dans un coin de la province suffit pour apprendre que les femmes ont été visitées par ces hommes armés sadiques. Au lieu qu’ils nous protègent, ils s’adonnent, toute honte bue, à la barbarie contre leurs sœurs, filles et mères.

Selon Nyota, la fin de la crise passerait, non seulement par la dénonciation, mais

aussi la bonne justice. Elle se réjouit d’apprendre, par moments, que des militaires accusés de viol sont condamnés, mais elle pense que beaucoup restent encore à faire.

Guérie, peu ou prou, de ses pathologies psychosomatiques, Nyota tient à recommander, sur un ton de fermeté, aux autorités provinciales de prendre des mesures drastiques pour lutter contre les violences sexuelles sous toutes leurs formes.

« Les ONG, à l’exemple de la Fondation Panzi, le CICR et d’autres que j’ignore, s’efforcent à prévenir cette pratique insolente de viol, mais la vraie lutte revient à l’Etat. S’il prend la question au sérieux, les femmes vivront en sécurité et en dignité. Ce sera une nouvelle ère pour le Sud-Kivu ». En d’autre mot, une certaine opinion dirait : ’’Aux grands maux, grands remèdes’’.

Alice KAJABIKA

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