Sud Kivu : Des femmes survivantes des violences conjugales appelées à sortir de leur silence pour lutter contre le VSBG.

Posté par  Cikuru Kadjunga   à       2 années ago     717 Views     Laisser vos impressions  

En République Démocratique du Congo, plus particulièrement dans la ville de Bukavu, certaines femmes n’ont pas la liberté d’exprimer leur sentiment sexuel dans leurs foyers. Sous le poids de la coutume, elles doivent attendre que ça soit le mari qui manifeste en premier mais aussi ; elles n’ont pas droit d’exprimer leur sentiment pendant les rapports sexuels pourtant mariées légalement. En écoutant certains témoignages, certaines femmes ont été chassées de leurs foyers pour avoir poussé le cri de plaisir lors de rapport sexuels ou exprimer le besoin de faire l’amour auprès de leurs maris. Elles sont considérées comme des putes et ne peuvent plus être prises comme des femmes soumises ou éduquées.

Malgré des alertes qui encouragent les survivantes de VSBG a toujours dénoncé tout acte de violence, ces dernières n’arrivent pas à en parler clairement. Selon elles, respectant les pratiques coutumières, elles pensent que ce sont des situations qu’elles attribuent aux mauvais esprits envoyés par les membres de familles et/ou voisins jaloux et mal intentionnés. Pour elles, une femme qui se respecte ne peut pas se comporter de la sorte.

C’est le cas de madame Mawazo (nom d’emprunt), qui est maintenant logée chez son amie après avoir été chassée par son mari depuis le 3 novembre 2021. Elle est accusée d’avoir d’autres relations amoureuses avec des autres hommes avec lesquels elle fait l’amour à part son mari où elle apprend des comportements non autorisés par la coutume dans un ménage. Cela, juste pour avoir poussé un cri de plaisir pendant l’acte sexuel avec son conjoint. Elle pense être coupable estimant être ensorcelée par sa belle-famille qui ne l’aime plus depuis que son mari a décroché un bon travail.

« Je ne devrais pas crier… pourquoi crier ? Je suis vraiment fautive. Je ne peux pas en parler même à ma mère. Elle peut me tuer. Je ne l’avais jamais fait auparavant. C’était un piège… Aucune femme qui se respecte ne peut faire ça. C’était une erreur…mon mari a dit à ma famille que je suis la source de malheur dans notre foyer parce que j’amène la malédiction à la maison après avoir couché avec les autres hommes. Je n’ai pas à m’expliquer parce que je suis fautive… », explique-t-elle.

Pour une autre, c’est une faute impardonnable car selon leur coutume, le plaisir sexuel c’est pour seulement les hommes parce que ce sont eux qui produisent les enfants. Une femme bien éduquée attend que le besoin vienne de son homme.

« Je ne sais pas par où j’ai commencé (…) j’ai été trompée par ma copine qui m’a dit qu’elle avec son mari font l’amour quand tous deux en ont envie. J’ai voulu faire comme elle. J’ai envoyé un message à mon mari lui disant que j’aimerai faire l’amour le soir à son arrivée à la maison. Il s’est fâché et m’a demandé de lui en parler plus. J’ai répété la même chose quand il est arrivé à la maison… Il est parti et n’est plus revenu. Je suis seule avec mes enfants depuis Juin 2021 (…) il a raison. Aucun homme ne peut supporter une femme qui lui demande le sexe… », explique-t-elle.

George Bujiriri, chef du village de Minova dans le territoire de Kalehe, regrette d’apprendre que certaines femmes traversent le calvaire dans leur foyer sans pour autant alerter les autorités compétentes. Il dénonce cette pratique et appelle toutes les femmes victimes de toute sorte de violences conjugales à sortir de leur silence pour lutter contre ce fléau qui n’avantage en rien la société.

« Il est inconcevable qu’une femme soit chassée de son toit conjugal pour le simple fait de demander son droit auprès de son mari. Que ces femmes viennent me voir et m’en parler. Ensemble nous allons lutter contre ces pratiques… Des coutumes rétrogrades qui ne laissent pas les femmes s’épanouir. », regrette-t-il.

Julienne Baseke, défenseure de droits humains et coordinatrice de l’association des femmes de médias AFEM condamne cet acte et pense qu’il est temps que chaque femme reconnaisse ses droits et devoirs. Elle les appelle à briser le silence pour faciliter aux autorités compétentes à punir sévèrement le bourreau pour lutter contre toutes ces violences qui entourent la femme.

« J’ai été choquée en lisant ces témoignages. Le plaisir sexuel est la moindre des choses que chaque couple doit s’offrir sans faire des tapages. Je dénonce ces actes inhumains. L’égoïsme exagéré de l’homme. Ils doivent être condamnés et les rappeler que dans un foyer le plaisir sexuel doit être partagé. Etant une femme mariée, je sais que j’ai droit de me sentir aimée au même degré que l’homme. Dénoncez chères dames. Plus on se tait, plus les choses s’aggravent. Vous ne devrez pas vous culpabiliser pour vous avoir exprimé. C’est de votre droit… », regrette Julienne Baseke.

Maitre Arnold Nyaluma, avocat près la cour d’appel de Bukavu fait savoir que, lorsque les parties sont mariées, la consommation du sexe est un droit et une obligation pour les deux conjoints. Ce droit s’exerce en pleine égalité et chacun peut en prendre l’initiative. Toutes coutume usage ou préceptes contraire constituerai une violation de la constitution notamment les articles 12, 13 et 14 de conventions internationales et des lois qui régissent l’égalité de sexe et la libre disposition de corps.

« Les hommes doivent se libérer de préjugés parce que le vrai plaisir est celui qui est partagé. Et lorsqu’on se lie dans une union conjugale on cède son intimité sexuelle à son partenaire. Les femmes doivent avoir le courage de s’exprimer et de solliciter l’appui y compris le recours à la justice comme dernier recours. Ici les instances sociales comme les conseils de familles ou les communautés religieuses devraient jouer le premier rôle », fait savoir Me Arnold Nyaluma.

Malgré les sensibilisations menées par certaines organisations qui militent contre les VSBG, ces dernières arrivent difficilement à dénoncer et ou même accepter qu’elles sont aussi victimes de violence conjugale. D’où besoin d’une grande sensibilisation pour les aider à sortir de leur silence.

Rachel Rugarabura, JDH, JRI

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