Sud Kivu : la société civile de Kabare dénonce la recrudescence des cas de viols sur mineur
Des cas de viol sur mineurs sont rapportés dans le groupement de Katana en territoire de Kabare. Le dernier cas en date est celui de quatre fillettes qui ont été amputées de leurs organes génitaux après l’acte de viol.
Cette situation a été plus visible dans la commune urbano-rurale de Kavumu, dans le groupement de Miti où il y a environs deux ans, des fils du terroir ont été arrêtés car accusés d’être impliqués dans ces cas de viol.
A en croire le vice président de la société civile noyau de Bugore, Francois Cikuru, certaines fausses croyances et coutumes sont à la base de cette situation. Il invite également tous les habitants à dénoncer tout cas de violence sur mineur.
« Quatre cas de viols ont été rapportés récemment  à Irhambi Katana et Kajuchu ; des fillettes de moins de dix ans ont été tuées après qu’elles soient amputées de leurs organes génitaux. Selon certaines rumeurs les malfrats violeurs pensent qu’ils peuvent utiliser les organes génitaux des mineurs comme fétiche pour leur servir comme anti balles pour se protéger ; mais nous savons qu’ils sont tout simplement animés d’un esprit de destruction. C’est une pratique néfaste qui vise à détruire les enfants et toute la société. C’est déplorable» fait savoir François Cikuru .
Cette pratique est elle réellement liée à la coutume ?
Un défenseur des droits humains du territoire de Kabare, Félix Maroy témoigne avoir visité un féticheur pour vérifier ces fausses croyances conduisant à des actes nuisibles à la dignité humaine.
« A un certain moment nous avons commencé à nous poser mille et une question sur les vraies raisons de ces actes et je me suis décidé d’enquêter sur ces cas.  Je suis allé à la recherche d’un grand féticheur du milieu auprès de qui ces malfaiteurs  cherchent des orientations. Je suis partie comme un client étant dans le besoin d’un traitement pour trouver du travail. Il m’a donné des orientations que j’ai appliqué avec plusieurs autres conditions et je me suis rendu compte que toutes ces pratiques sont mensongères et visent tout simplement à détruire la société. Nous demandons aux autorités judiciaires de punir sévèrement tous les auteurs de ces actes et cela servira d’exemple à tout le monde afin d’éradiquer ce fléau.
Calvaire pour les victimes des viols
A Kavumu, les fillettes victimes de ces actes gardent encore le mauvais souvenir et traversent plusieurs difficultés plus d’une année après.
Voici le témoignage d’une survivante à Kavumu:
J’avais sept ans, je dormais pendant la nuit, j’ai entendu des gens en train de me bouger sur le lit, et du coup ils ont ouvert la porte et m’ont emporté dans un champ de manioc ; ils m’ont fait coucher par terre et m’ont bouché le nez. Ils m’ont écarté les jambes et m’ont enfoncé des trucs solides dans les jambes et dans les fesses. Ca m’a fait très mal, quand j’ai crié ils m’ont aussi enfermé la bouche. Ensuite ils m’ont ramené tout près de chez nous, derrière la maison, ma maman est venu me prendre et a constaté avec amertume que le sang coulait sur mes jambes.  Elle m’a amené à l’hôpital de Karhanda ici à Kavumu, là on a dit que cette structure médicale n’était pas en mesure de me soigner. C’est là qu’on m’a amené à l’hôpital de Panzi ou j’ai été soigné. Quand on me soignait, les plaies me faisaient très mal et je criais très fort. Apres les soins nous sommes rentrés à la maison et j’ai repris les études, je suis en quatrième année primaire. Je ne me sens plus à l’aise puisqu’il y a certains collègues qui me troublent et me disent que suis malheureuse parce que j’ai été violé et donc je suis sans valeur. Je l’avais dit au directeur de notre école qui a mis en garde celui qui se moquait de moi et a dit que celui qui osera encore me dire cela sera renvoyé de l’école.
Physiquement je me sens un peu bien mais souvent j’ai des maux de ventre et même des boutons me poussent sur les fesses. Vraiment je demande aux dirigeants du pays de tuer tous ceux qui commettent ces actes de violence.
Victime 2
« j’ai douze ans, moi je dormais avec la fille de ma tante, puis les bandits sont venus, ils nous ont pris et nous ont emporté dans les bananerais ;moi ils m’ont déshabillé et mon enlevé même le caleçon, puis ils se sont jetés sur moi et je me sentais tourmenté par les douleurs. Ils ont pris le sang qui coulait de mon vagin et ont mis dans cela un truc que je n’ai pas reconnu, je ne pouvais plus me mettre debout à cause de la vertige et j’étais incapable de marcher à cause des douleurs que je ressentais ,Mes parents sont venu me chercher et m’ont  amené à l’hôpital.  Aujourd’hui je me sens un peu bien mais j’ai toujours des douleurs au bas ventre ; ce qui me perturbe encore c’est que la fois passée j’ai suivi  à la radio qu’à katana on a violé et tué d’autres enfants, ça me fait peur et je crains que ces bandits ne viennent encore pour nous faire du mal. C’est pourquoi je demande aux autorités congolaises de changer les choses et faire de ce pays un Congo meilleur ».
Les effets néfastes sont multiples selon les parents
Pour certains parents des victimes, cette situation a constitué un obstacle majeur pour la vie de leurs enfants.
Témoignage d’un parent de trois fillettes victimes,
« Trois de mes enfants ont été violées ; le premier avait six ans et au deuxième tour ils ont violé deux autres. Celui de 7 ans et l’autre de neuf ans. Certains de mes enfants ont été violés puis ces bandits ont enfoncé des pinces dans leurs vagins, d’autres des morceaux de bois jusque dans le ventre au point de toucher même l’utérus. C’est sur que mes enfants ont été soignés à l’hôpital de Panzi mais jusqu’aujourd’hui elles souffrent. Elles ont souvent des douleurs au niveau de la hanche et du dos et quelques fois des liquides sortent de leurs organes génitaux.  Elles sont devenues très mélancoliques. Nous allons régulièrement chez Mukwege pour le control mais ça ne marche toujours pas. Elles sont devenues très fragiles et ne font que maigrir du jour le jour.
Je demande aux autorités congolaises de m’aider, car l’avenir de ces enfants est absurde. Qu’elles recherchent tous les malfaiteurs pour qu’ils répondent de leurs actes ».
Encadrement par des organisations de défense des droits humains
Pour essayer d’apporter une consolation aux familles des victimes, certaines organisations locales s’impliquent dans la prise en charge de cette catégorie d’enfants.  C’est le cas de l’association « parents pleurons ensemble» basée à Kavumu. Selon un des animateurs de cette association qui a requis l’anonymat, cette organisation encadre plus de quarante fillettes victimes du viol à travers des jeux thérapeutiques, des conseils et s’occupe même de la prise en charge scolaire.
De son coté l’hôpital général de référence de Panzi à travers son projet « enfant de Panzi et d’ailleurs » organise des visites à domicile pour ces enfants. Selon Sifa Ntamwenge, coordinatrice de ce projet , ils font une assistance psycho sociale pour les mineurs victimes de viols depuis plus de trois ans à Kabare et actuellement 39 enfants sont pris en charge à Kavumu.
Réaction de la police de protection de l’enfance
Du coté de la police, le commissaire Ngabile Lunanga Bertin de l’escadron de police de protection de l’enfant et prévention des violences sexuelles, EPEPVS de Kavumu affirme que son service mène des enquêtes pour dénicher les violeurs qui déstabilisent à nouveau cette partie de la province afin qu’ils soient punis selon la loi.
Notons que la loi 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais interdit le viol et violences sexuelles.
Cet article est produit avec l’appui de la Coopération Suisse, dans le cadre du projet mobilisation à travers les médias pour une société sans violence exécuté par AFEM.
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