Sud Kivu : l’appui de la DDC est-il important pour des médias surtaxés dans un contexte politique délétère ?

Posté par  Elisée MUZALIA   à       1 année ago     353 Views     Laisser vos impressions  

La cheffe de section Afrique orientale et australe à la Direction du Développement et de la Coopération Suisse, DDC/Berne séjourne au Sud Kivu en République Démocratique du Congo. Dans le cadre de sa mission, Katharina Stocker a eu un tête-à-tête, le jeudi 12 octobre 2023, avec les responsables des médias partenaires de la Coopération. La délégation était conduite par la directrice de la Coopération Suisse en RDC, Denise Lüthi Crisan, en présence de la chargée du programme « Médias Â» à la Coopération suisse, Marie Louise Tabena.

L’entretien a permis à la Délégation d’être éclairée sur le contexte dans lequel les médias communautaires fonctionnent dans le cadre de la mise en Å“uvre du projet « Des Médias Professionnels pour la Promotion de la Paix, Droits humains, Démocratie et la Bonne Gouvernance Â», les réalisations, la valeur ajoutée de la DDC au secteur des médias, les contraintes et défis, ainsi que la durabilité et acquis immuables.

Un contexte sécuritaire et politique palpitant

C’est un contexte peu reluisant auquel se heurtent les médias communautaires du Sud Kivu. Depuis plus d’une année, la résurgence du M23, mouvement rebelle soutenu par le Rwanda fragilise la situation sécuritaire à l’Est de la République Démocratique du Congo, plus particulièrement au Nord Kivu où des affrontements avec l’armée régulière, les FARDC, sont signalés.

Cette situation a poussé des groupes d’autodéfense appelés « Wazalendo Â» (les patriotes) à entrer également en guerre contre les combattants du M23, afin de les déloger de leurs zones.

Des tensions sur le plan diplomatique entre la RDC et le Rwanda persistent, malgré les négociations qui s’organisent au sein de la Conférence Internationale sur la Région de Grands Lacs, CIRGL et l’adhésion de la RDC à l’Eastern Africa Community, EAC, ainsi que d’autres initiatives régionales qui n’augurent pas une issue favorable.

« Sur le plan politique, nous nous attendons aux élections le 20 décembre, mais on ne sait pas comment ça va se passer à cause des combats qui se déroulent encore au Nord Kivu où une bonne partie est en proie à l’insécurité. Malgré que le gouvernement est en train de nous rassurer qu’il y aura des élections ; on sent qu’on évolue, les listes électorales sont en train d’être publiées même s’il y a la précampagne mais jusque-là c’est calme ; on pense que d’ici le 20 décembre nous irons aux élections Â», croit savoir Thaïs Bagula, directeur de Radio Maendeleo, l’une des radios partenaires.

La même source ajoute que les médias du Sud Kivu œuvrent dans un contexte politique tendu entre l’exécutif et l’assemblée provinciale. Ceci, à la suite des initiatives de certains députés provinciaux visant à déchoir le Gouverneur Théo Ngwabije accusé de mauvaise gestion de la province, des initiatives qui, dans trois ans, n’ont pas abouti.

Des divisions au sein du parlement provincial ont amené à la création de deux bureaux au sein d’un même organe délibérant, situation qui a poussé le Vice premier ministre et ministre de l’intérieur de suspendre, par voie d’un télégramme, la tenue des plénières à l’assemblée provinciale dans lesquelles les questions vitales de la vie des populations se discutent.

Le contexte est également marqué par des tensions entre candidats aux élections prévues le 20 décembre 2023 et qui, non seulement risquent de désorienter le choix de la population, mais aussi augurent des élections palpitantes pouvant déboucher à des violences post-électorales. Les directeurs des radios partenaires à la DDC réitèrent leur souci d’accompagnement et d’encadrement professionnel des médias des médias en ligne qui parfois servent de canaux de la propagation des discours de haine et des propagandes en faveur des acteurs politiques.

Une fiscalité « médiacide Â»

Les médias communautaires sont actuellement asphyxiés par la multiplicité des taxes imposées par les services de l’Etat. En moyenne 17 taxes sont exigées à chaque média, y compris des amendes en cas du retard de paiement, pendant que les radios communautaires dépourvus de moyens ne sont pas des services générateurs de recettes et ne bénéficient d’aucune subvention de l’Etat.

Tout en saluant la promulgation de la nouvelle ordonnance loi sur la liberté de la presse, les responsables des médias craignent d’être contraints à la fermeture suite à une forte fiscalité.

« â€¦le fait de demander aux médias de renouveler les licences d’exploitation chaque après 10 ans (sept mille dollars) c’est un problème pour les médias… ; cette nouvelle loi pèche également en nous demandant de renouveler les fréquences chaque après deux ans à trois mille dollars… tout ça nous met à couteau tiré avec les autorités de la province ; nous pensons que la question sera soumise au niveau national pour qu’on trouve des solutions… le prix est trop exorbitant ; 7500 $ pour les radios communautaires et 15 000 $ pour les radios commerciales, c’est beaucoup d’argent… ; quand on a une licence en principe c’est pour toute la vie ; on comprend que l’Etat a beaucoup plus besoin d’argent et pas du professionnalisme Â», ont-ils déclaré.

Les responsables des médias communautaires partenaires au Programme Média de la Coopération suisse face à la Cheffe de la section Afrique orientale et Australe à la DDC/Berne, la Directrice de la DDC en RDC et la Chargée du programme « Média »

Des médias dévoués au renforcement de la gouvernance et la cohésion sociale

En dépit du contexte difficile, les médias communautaires s’impliquent dans la promotion des questions de la paix et de la cohésion sociale, la démocratie et la bonne gouvernance.

Pour les responsables des médias, le programme a facilité un rapprochement entre les gouvernés et gouvernants à travers la redevabilité et la population exige des comptes auprès des autorités en matière de la gouvernance.

« Au regard du contexte sécuritaire et de risque de manipulation et d’instrumentalisation de la population et surtout de la jeunesse pour des fins politiques, les médias du Sud Kivu se positionnent comme des acteurs pour bloquer des discours de haine et de désinformation en produisant des contenus médiatiques de qualité et inclusifs en faveur de la cohésion sociale Â», ont-ils ajouté.

Valeur ajoutée de la DDC au secteur des médias

Le programme « Média Â» de DDC permet aux radios communautaires de renforcer leurs compétences sur les thématiques liées à la gouvernance locale et la démocratie, et un travail en synergie pour la couverture du processus électoral.

En plus du renforcement et accompagnement des radios communautaires dans les territoires, les médias bénéficient d’un appui technique en termes notamment de renouvellement des équipements de production et de diffusion d’informations pour plonger les médias dans les NTIC (Nouvelle Technologie de l’Information et de la Communication). Grace au Programme, le plaidoyer pour la réduction des taxes et redevance vis-à-vis des médis est renforcé.

Outre le cadre permanent des médias qui réunit les journalistes, les organisations qui encadrent les journalistes, ainsi que les autorités pour discuter de certains aspects de la profession ; la Centrale de monitoring des médias contribue aussi à la réduction des délits de presse dans le secteur médiatique, grâce au financement de la Suisse.

« C’est une valeur ajoutée que la DDC a apportée au sein des médias au Sud Kivu ; Dieu merci parce qu’elle s’élargie au Nord Kivu et nous pensons que l’effet va continuer ; il y a une réduction sensible des délits de presse grâce à l’existence de cette centrale de monitoring des médias, ce qui implique une prise en compte de la sensibilité par rapport aux conflits, les journalistes sont devenus sensibles aux conflits Â», selon Darius Kitoka, président de l’UNPC/Sud Kivu.

En plus du réseautage régional des journalistes de la région de grands lac, le Programme a également contribué à l’amélioration de l’intégration du genre dans les médias. Selon Julienne Baseke, coordinatrice de AFEM, « il y a peu, les médias étaient masculinisés, beaucoup de postes de responsabilité étaient occupés par les hommes et les sujets d’intérêt pour les femmes étaient difficilement traités, les femmes n’avaient pas de contrôle sur les contenus médiatiques Â».

Elle se réjouit du fait que grâce au Programme, les médias disposent d’une Charte portant intégration de genre dans les médias, un instrument qui est en train d’être mis en œuvre pour arriver à l’équilibre du genre dans les médias et à la prise en compte de la dimension du genre.

« … avec ça on voit que les besoins et priorités des femmes sont désormais traitées dans les médias et on voit l’engagement des médias dans les questions des violences sexuelles et basées sur le genre, le leadership des femmes et les stéréotypes sont brisées Â», renchérit Julienne Baseke.

Plusieurs structures de médias participent à la mise en œuvre du programme Média de la DDC, à savoir l’Union Nationale de la Presse du Congo (UNPC), le Réseau des Radios et Télévisions Communautaires du Congo (RATECO), Radio Maendeleo, radio Tuungane de Minembwe, Gorilla FM de Tchivanga et AFEM qui assure le lead.

Elysée Muzalia

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