Sud-Kivu : Le pouvoir coutumier, quelle place pour les femmes ?

Posté par  Mama_Radio   à       7 années ago     2703 Views     Laisser vos impressions  

Dans la province du Sud-Kivu, la majorité des femmes n’accèdent pas au pouvoir coutumier. Ce pouvoir étant réservé aux hommes, selon les traditions et les coutumes. Ce qui pousse une certaine opinion à penser que la femme ne mérite pas, elle est incapable de gérer une entité coutumière comme la chefferie ou le groupement.

Dans la plupart des traditions et coutumes de la province, la marginalisation de la femme date des temps anciens. Ces coutumes, par exemple, ne permettaient pas à la femme de parler aux hommes tout en étant débout. La femme ne pouvait pas approcher les hommes quand elle est dans la période de menstruation, elle ne pouvait pas saluer les hommes sans faire de génuflexion, etc.

Ces mêmes traditions, et coutumes n’ont pas milité en faveur de la scolarisation de la jeune fille. Seuls les garçons pouvaient être envoyés à l’école car les jeunes filles n’étaient bonnes qu’à être mariées. Les gardiens des coutumes ont pendant longtemps fait croire à  l’opinion que seuls les garçons naissent avec des signes de pouvoir. Cette croyance est soutenue  par beaucoup de chefs coutumiers, à l’instar du chef de la chefferie de Basile en territoire de Mwenga, Kalenga Riziki Lucien.

« Les ancêtres ont légué le pouvoir aux hommes et non aux femmes. Cette situation n’a pas encore changé, en dépit de l’existence d’un arsenal juridique tendant de plus en plus à valoriser le rôle de la femme dans la société » déclare-t-il.

Des  femmes régentes

Seules les femmes des chefs coutumiers, lorsque le chef meurt et que son fils qui doit lui succéder n’est pas encore disponible, ou  n’as pas encore atteint l’âge de maturité, assument la fonction de régente en attendant que le fils ayant droit récupère son pouvoir. Le pouvoir de la mère régente ne se limite qu’à expédier les affaires courantes. Elle ne peut en aucun cas se substituer au chef de la chefferie. C’est le cas d’Espérance M’Baharanyi et Félicité Nakaziba, toutes respectivement régentes  de la chefferie de Luhwinja et de Kaziba.

A la mort du mari d’Espérance M’Baharanyi, son fils héritier était encore petit et ne pouvait pas diriger une chefferie. Actuellement, il a grandi, mais préfère d’abord terminer ses études avant de prendre possession de son trône de prince.  La mère régente Espérance M’Baharanyi reconnait qu’elle assume l’intérim de son  fils mais ne prétend pas avoir son pouvoir.

« Dans nos traditions, une femme ne peut pas diriger une entité coutumière » explique-t-elle.

En sa  qualité actuelle de députée provinciale, elle regrette tout de même le fait que ce principe viole  les articles 12, 13 et 14 de la constitution de la RDC qui garantissent aux femmes le droit d’occuper des postes de décision dans toutes les institutions du pays, sans discrimination.

Son histoire est différente de celle de Félicité Nakazi régente de la chefferie de Kaziba dans le territoire de Walungu. Fille du Mwami (chef de chefferie), elle dirige l’entité depuis 2011 après la mort de son père et celui de son frère héritier en suite. Le fils ainé de son frère étant encore tout petit, elle  joue  correctement son rôle de régente car, une autre personne qui n’est pas issue de la famille royale ne pouvait occuper cette place. Le comité des sages du mwami avait placé sa confiance en elle, à fin de gérer cette entité.  Selon elle, même si le pouvoir coutumier au Sud-Kivu  se transmet du père au fils, les femmes peuvent aussi occuper ce poste et travailler mieux que les hommes. Félicité Nakaziba pense qu’au sein des familles royales, l’attribution du pouvoir coutumier aux  femmes qui remplissent les normes est importante, afin que, elles aussi, contribuent à la gestion de leurs entités.

L’espoir est permis

Certaines personnalités de la province, en revanche, estiment qu’écarter la femme du pouvoir coutumier constitue une violation flagrante de ses droits.

« Tout cela relève de l’égoïsme masculin. Mais aussi parce que tous les gardiens des coutumes sont des hommes » fait remarquer Nabintu Lunjwire Césarine, une habitante du territoire de Walungu.

Cependant, une lueur d’espoir pointe à l’horizon. Et pour preuve, le chef de la chefferie de Ngweshe en territoire de Walungu, Pierre Ndatabaye Weza 3, a nommé une femme, Aldegonde M’Bashige pour diriger le groupement de Nduba, un de 16 groupements de sa chefferie. Elle est à la tête de ce groupement depuis plus de 5ans et son travail est jugé positif par les habitants de son entité. Selon le Mwami Ndatabaye Weza 3, le travail qu’exerce cette femme est satisfaisant, et les résultats obtenus répondent aux aspirations de la population du groupement de Nduba.

Marlaine Zawadi

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