Sud-Kivu : Les us et coutumes rétrogrades bloquent l’accès des femmes aux instances de prise de décision.
De nombreuses femmes ont des difficultés à accéder au poste de prise de décision en province du Sud-Kivu. Pour Agnès SADIKI, candidate à la députation provinciale dans la circonscription électorale de MWENGA aux élections législatives de 2018, certaines d’entre elles sont bloquées par des « coutumes rétrogrades » qui disent que la femme ne doit pas travailler et qu’elle ne doit pas prendre parole lorsque les hommes s’expriment.
Certaines communautés comme Chez le « shi » en province du Sud-Kivu disent même que la femme doit s’occuper des travaux ménagers et que seuls les hommes peuvent étudier. Propos de Solange LWASHIGA, secrétaire exécutive du caucus des femmes. Elle ajoute que d’autres encore précisent que la femme ne peut pas être à la tête d’une institution et que la place est réservée seulement aux hommes. C’est par exemple la communauté « lega » où seuls les hommes peuvent diriger. Une raison qui les bloque à acquérir des connaissances nécessaires pouvant les aider à aller de l’avant.
Pourtant, l’article 14 de la constitution de la RDC stipule que ; « les pouvoirs publics veillent à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme ».
Certaines femmes ont connu ces genres de situations dans leurs parcours d’accès aux postes de prise de décision.
C’est le cas d’une dame ayant requis l’anonymat qui stipule que la tenue
des réunions des membres des partis politiques qui se fait tard dans la soirée
reste un blocage pour elle pour que ses rêves soient réalisés. La tradition et
les habitudes vont à ce que la femme soit plus dans son ménage pour prendre
soin de sa famille.
« Je suis mariée depuis 10 ans déjà . Dieu m’a donné la grâce d’avoir deux
enfants. J’avais l’idée d’adhérer dans un parti politique mais j’ai été
découragée. Les réunions ne se font que tard dans la soirée. Alors que traditionnellement,
nous en tant que femme, c’est difficile de sortir pour aller participer dans
des réunions. Je suis femme ménagère et mon mari n’accepte pas que j’en fasse
partie. Je dois m’occuper des enfants, les aider à faire leur devoir et les
mettre au lit», explique-t-elle.
Aline MUNGANGA est aussi parmi les femmes qui ont connu un obstacle lié au poids de la coutume. Elle est mère au foyer avec quatre enfants. Son mari lui a interdit d’adhérer dans un parti politique parce qu’il croit que sa femme sera incontrôlable.
« Je rêvais postuler à la députation provinciale et après des recherches, on m’a dit qu’il faut être membre d’un parti politique et répondre à tous les critères. J’ai intéressé mon mari mais malheureusement il m’a découragé. Il m’a dit que les femmes des partis politiques sont incontrôlables et ne gardent pas leur foyer. Mon rêve a été étouffé », s’exclame-t-elle, avant d’ajouter « il m’a également dit que la tradition donne comme rôle à la femme de garder les enfants et s’occuper des travaux ménagers. Et lui entant que mon mari, il doit travailler pour subvenir aux besoins de la famille ».
Certaines femmes ont fait exception et sont arrivées à bénéficier de l’accompagnement malgré les us et coutumes rétrogrades.
Agnès SADIKI fut candidate à la députation provinciale dans la circonscription électorale de Mwenga aux élections de 2018. Elle est une femme qui a beaucoup évolué dès l’école primaire et s’est beaucoup distinguée dans la société. Elle est arrivée à surmonter les barrières coutumières à cause de son courage et sa détermination au regard de sa communauté. Elle indique qu’elle a été accompagnée par les chefs de sa tribu qui voulaient voir cette femme déterminée à aller de l’avant, les représenter au niveau de l’assemblée provinciale.
« Ma communauté était fière de voir que j’évolue sur tous les aspects. Même lorsque j’ai été nommée ministre de transport et communication au Sud-Kivu, elle a été fière de moi. Lorsque je suis rentrée dans ma communauté pour demander le soutien des chefs coutumiers pour postuler, l’initiation n’a pas été un obstacle ».
Mais, quelques raisons lui poussent à dire que plusieurs femmes sont bloquées par les cultures et cela ne leur permet pas d’avancer.
« Cela varie d’une tribu à une autre. Certaines cultures disent qu’une femme ne peut pas être à la tête d’une structure sans être initiée, comme c’est le cas de la tribu Rega. Cette pratique qui est souvent réservée aux hommes avant d’atteindre l’âge de la majorité, bloque les femmes qui ont des ambitions de participer dans la gestion un jour. Pour d’autres cultures, certaines instances sont réservées qu’aux hommes car elles n’ont pas été taillées à l’image de la femme », précise Agnès SADIKI
Elle ajoute qu’il est important d’aller aussi vers les chefs coutumiers et religieux pour les sensibiliser afin qu’ils comprennent que la femme peut aussi diriger et qu’elle est capable de faire les mêmes choses que les hommes. « Les chefs coutumiers ne comprennent pas que la femme peut aussi diriger. Ils pensent que la femme est faible et ne peut pas prendre certaines décisions qui engagent toute la communauté. Raison pour laquelle il est important de les sensibiliser ».
Pour maitre Arnold NYALUMA, professeur d’université et défenseur des droits humains, trois obstacles bloquent l’épanouissement de la femme et son élévation. Le premier obstacle est culturel car depuis la base, la femme est consignée à des tâches de seconde zone. Le deuxième obstacle est que le processus n’est pas transparent et le troisième c’est la femme elle-même qui a peur d’avancer.
« Depuis la base c.à .d. la famille, l’école et l’église, l’on a consigné la femme à des tâches de protocole et non de prise de décision. Les femmes ne sont pas aussi impliquées dans le système actuel pour accéder à ce poste et je peux dire également que beaucoup de femmes ne sont pas courageuses et ne sont pas préparées à se faire diriger par les autres femmes ». Il pense qu’il n’est pas légal de discriminer la femme et de lui attribuer seulement les tâches ménagères. Il stipule que le changement doit commencer dès la base et mettre en application les lois du pays qui promeuvent la femme. « L’article 14 de la constitution de la RDC dit que les pouvoirs publics veillent à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme, c’est pourquoi, la communauté entière doit comprendre que la femme doit jouir des mêmes droits que l’homme ».
Pour Solange LWASHIGA, secrétaire exécutive du caucus des femmes congolaises du Sud-Kivu pour la paix, les coutumes rétrogrades ne doivent pas bloquer le développement de la femme. L’accès des femmes aux instances de prise de décision reste d’une importance capitale pour rompre avec les coutumes négatives qui pensent que la femme ne doit pas diriger.
« Quand la femme accède au poste de prise de décision, elle dévient un modèle pour les générations actuelles et qui auront tendance à l’imiter. ».
Elle recommande aux autorités de faire respecter les lois de la République démocratique du Congo en matière de la participation de la femme dans les instances de prise de décision. Cela en bannissant les coutumes rétrogrades qui bloquent les femmes à participer dans la gestion de la chose publique.
Cosmos BISHISHA, ministre provincial du genre, précise que pour pousser la femme à avancer et à accéder aux instances de prise de décision, il est important qu’elle adhère dans les partis politiques et que les hommes lui donnent de la place dans les assemblées provinciales.
« Nous faisons des plaidoyers au niveau des responsables des partis politiques pour que les femmes qui y adhèrent puissent évoluer. Nous sensibilisons aussi les hommes à vivre dans la masculinité positive car elle reste la seule option pour bannir les coutumes négatives ».
Signalons que les coutumes rétrogrades comme le non accès à l’éducation chez les filles, les travaux ménagers, les mariages précoces freinent le développement de la femme et l’obligent à laisser les responsabilités seulement aux hommes. Toutes les parties prenantes doivent s’impliquer pour accompagner et encourager les femmes à accéder aux instances de prise de décision et ne pas la considérer comme un être faible.
Cet article a été produit en collaboration avec Journalistes pour les droits humains, JDH/JHR avec l’appui d’Affaires mondiales Canada
Joëlle BUFOLE
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