Sud Kivu : 1 634 candidats députés nationaux pour 32 sièges, le non-dit d’une course acharnée vers le Parlement
Contrairement aux cycles électoraux précédents, le Sud Kivu enregistre un nombre croissant des candidats aux élections législatives nationales qui se tiennent le 20 décembre 2023. La liste de mille six cent trente-quatre candidats a été publiée par la Commission Electorale nationale Indépendante à la députation nationale pour la province du Sud Kivu. Un chiffre inquiétant au regard du quota limité réservé à la province du Sud Kivu au sein de l’Assemblée Nationale : 32 sièges qui doivent être occupés par des députés élus de neuf circonscriptions électorales. Qu’est ce qui explique cet engouement des candidats à la députation nationale ?
Certains analystes interrogés doutent de la volonté réelle qu’anime les candidats aux élections législatives à savoir représenter la population, légiférer et initier des contrôles parlementaires, selon les prorogatives constitutionnelles dévolues aux députés.
D’après nos sources, la principale motivation non avouée serait liée à la question financière et à plusieurs autres avantages matériels dont bénéficient les députés nationaux en RDC.
Les mêmes sources renseignent que depuis janvier 2022, un député national touche 21 mille dollars par mois et bénéficie de plusieurs autres avantages, tels que l’octroi des véhicules auprès des autorités gouvernementales, ce qu’une certaine opinion qualifie de corruption à grande échelle, gabegie et pillage éhonté des finances publiques.
Et pourtant, un simple fonctionnaire congolais touche environs 155Â 000 francs congolais (moins de 60 dollars si on calcule au taux de change de 2Â 650 francs le dollar actuellement).
L’opinion s’interroge sur ces inégalités salariales dans une RDC en guerre où la majorité de la population reste clochardisée par la pauvreté, avec un salaire dérisoire notamment pour des enseignants et infirmiers, militaires et policiers.
« Dans un pays comme la République Démocratique du Congo où la majorité de la population vit avec environs 2 dollars par jour, un député soit rémunéré 15 fois plus qu’un professeur d’universités, 30 fois plus qu’un médecin et 200 fois plus qu’un huissier de la Fonction publique est tout simplement inacceptable », avait dénoncé, le 30 aout 2023, Martin Fayulu, candidat à l’élection présidentielle.
Des informations obtenues auprès des sources concordantes à l’Assemblée nationale évoquent le fait que le salaire d’un député national varie entre 16 millions et 18 millions de francs congolais par mois.
Aux côtés de ces émoluments, il y a d’autres rubriques qui s’ajoutent, notamment une rubrique appelée « les invisibles » où les députés percevraient 8000 dollars américains.
En plus de cela, il y a des frais de transport, des frais de logement, de communication et certains députés disent qu’ils sont arrivés à toucher autour de 19 000 dollars, soulignent nos sources.
Selon elles, lorsque qu’un député se déplace, le Bureau de l’Assemblée nationale ajoute d’autres frais, notamment pour payer des billets d’avion pour lui et ses collaborateurs, et cela en plus d’une autre rubrique appelée « les réserves parlementaires » qui permettent globalement au député d’atteindre autour de 21 mille dollars, voire plus, selon les cas.
Alors que le Bureau de l’Assemblée nationale rejette ces affirmations, une certaine opinion pense que ce sont ces salaires astronomiques qui préoccupent principalement la plupart des candidats actuellement avec espoir d’en bénéficier.
D’autres sources en revanche renseignent que certaines personnes, présumées auteures de plusieurs cas de violations des droits humains postulent comme député pour bénéficier des immunités parlementaires, afin de se camoufler et échapper aux poursuites judiciaires.
Et si l’Etat réduisait son train de vie ?
Certains observateurs interrogés pensent que si le salaire des députés étaient rabattus, l’on ne pourrait pas avoir une liste explosive des candidats aux différentes échéances électorales comme c’est le cas pour les élections du 20 décembre.
« Ils se présentent massivement à ces élections pour leurs propres intérêts, et pas pour les intérêts du peuple. C’est pourquoi il y a des candidats qui ont comme suppléants des membres de leurs familles et même ceux qui ont échoué pour le précédent mandat viennent encore solliciter les voix du peuple. C’est triste de voir que le pays n’avance pas alors que nous élisons des députés tous les 5 ans… », s’étonne un jeune étudiant de Bukavu.
En effet, des millions de dollars sont engloutis chaque mois pour permettre à l’Etat congolais de fonctionner et de payer ministres et gouverneurs, députés et sénateurs, ainsi que leurs nombreux collaborateurs.
Le Gouvernement congolais compte 57 ministres nationaux qui, chacun, dispose de son cabinet, 500 députés qui ont eux aussi des assistants et des conseillers, ainsi que 109 sénateurs qui sont également secondés.
Outre cela, le pays compte 26 provinces et donc 26 gouverneurs et vice-gouverneurs, 780 députés provinciaux et 208 ministres provinciaux qui doivent fonctionner, en plus d’autres centaines des personnes qui travaillent à la Primature et à la présidence.
« En 2016 un ministre national avait 10 mille dollars par mois comme salaire. Aujourd’hui sous le règne de Tshisekedi, un ministre national touche environs 40 mille dollars le mois, ça veut dire qu’un directeur de cabinet d’un ministre peut facilement toucher 10 mille dollars par mois et un député 21 mille dollars, c’est inacceptable… le régime actuel a copié les anciennes méthodes du régime passé en multipliant les regroupements politiques pour avoir plus de sièges pour des intérêts égoïstes… », déplore une source officielle, sous couvert d’anonymat.
La situation économique du pays étant vulnérable, des experts estiment nécessaire de réduire le train de vie des institutions du pays, afin de lui permettre de redécoller en matière de développement communautaire.
Une réduction qui est également soutenue par le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, dans ses différents discours, mais dont la matérialisation se fait toujours attendre.
1 602 candidats députés nationaux vont échouer
En dépit de la bataille acharnée des candidats qui cherchent coute que coute à être élu député national, la liste des candidats malheureux sera longue au sein de plusieurs circonscriptions électorales lors de la proclamation des résultats provisoires, le 31 décembre 2023 par la ceni.
Les données fournies par la centrale électorale font état de 298 candidats députés nationaux pour 5 sièges à Bukavu, Fizi avec 201 candidats pour 4 sièges, Idjwi : 81 candidats pour 2 sièges, Kabare : 200 candidats pour 4 sièges, Kalehe : 186 candidats pour 4 sièges, Mwenga : 149 candidats pour 3 sièges, Shabunda : 92 candidats pour 2 sièges, Uvira : 224 candidats pour 4 sièges et Walungu avec 203 candidats pour 4 sièges ; ce qui fait un total de 1 634 candidats députés nationaux au Sud Kivu pour 32 sièges au Parlement à Kinshasa.
En cette période électorale, les électeurs ont plus besoin d’avoir des élus qui se concentrent plus sur la vie quotidienne de la population, au lieu de leurs intérêts personnels, précisent des acteurs de la société civile.
Selon eux, ceci renforcera le contrôle citoyen des activités parlementaires, afin de garantir un équilibre et une prise en compte de véritables préoccupations de la population.
Ce qui permettra également aux citoyens d’exprimer leur voix et d’exiger des comptes à leurs représentants, favorisant ainsi une meilleure représentativité des intérêts de la société.
Elysée Muzalia
Cliquez ici Pour Partager.
No Comments
No comments yet. You should be kind and add one!